En reprise aux Ateliers Jean-Brillant pour tout le mois de novembre, D pour Dieu? est le 4e spectacle des Simoniaques. Créé en 2012 lors de leur résidence au Théâtre d’Aujourd’hui, Simon Boudreault y signe le texte et l’interprétation. Avec la marionnettiste et comédienne Karine Saint-Arnaud et le musicien Éric Desranleau, il partage la scène qui prend alors les airs d’une gigantesque fresque de sa vie racontée.
La religion est-elle un passage obligé dans cette quête universelle de soi? Ne serait-ce qu’un détour? Peut-être. C’est du moins ce que l’enfant de D pour Dieu? expérimente lorsqu’il cherche un signe de la présence de Dieu dans les clins d’œil du chien du voisin, dans les trous d’un vieux mur une fois les yeux plissés et la tête à l’envers, dans le robinet qui fuit, dans les nuages ou encore dans les vieilles gommes. Il en ressort finalement plus interrogé encore. L’expérience et la réflexion sur le concept de Dieu partagées par cette création sortent certainement du sillon de la religion. Il s’agit plutôt d’un ressort pour questionner l’homme qui, à tout âge, se prend pour le centre de son univers. Cette impression de toute puissance ne tarde cependant jamais à être remplacée par l’incertitude.
Dans la saga de ce narrateur pour qui le doute au goût amer de navet est toujours à sa poursuite, la fiction se mêle aux anecdotes véritables. Construit d’une multitude de personnages qui se succèdent, ce récit relate son bien court périple dans l’existence humaine. Parents, amis d’enfance, oncles, animateurs de radio, entrepreneure immobilière, amoureuse ainsi que plusieurs autres figures peuplent cette écriture imagée. Tout en humour, en jeux de mots et d’esprit, la langue déferle en phrases habilement tournées et en métonymies délicieuses. La déconfiture existentielle du narrateur fait bien rire. Fidèle à lui-même, Boudreault défend un texte porteur d’un univers solide. Pourtant, bien que l’ensemble de la proposition soit limpide, la langue empruntée est parfois curieusement soutenue et le ton répétitif. Néanmoins, ce jeu de distance est toujours fait avec une grande conscience et beaucoup d’ironie.
Ayant subie quelques modifications depuis sa version jouée en 2012, la peuplade de personnages et marionnettes contenue dans ce récit est pour la plupart jouée ou manipulée par Saint-Arnaud. Parfois évoquée par de simples vêtements vides, leur présence donne lieu à des images intéressantes. Certains passages sont même très bien tournés comme la naissance éblouissante de ce nouveau-né au visage adulte ou encore la découverte de ses mains dans un écart galactique entre son vocabulaire sagace, une intelligence des concepts abstraits et la découverte élémentaire de son corps. C’est brillant et très drôle. La présence live du musicien enrichit aussi les images et suscite quelques moments exquis telle cette interprétation rock tendre d’un poème d’enfant.
Fait de deux paliers et tours pivotants, le dispositif scénographique laisse toute la place aux interprètes et à leurs marionnettes. Il est malléable, simple et plein de possibilités. De plus, la salle des Ateliers Jean-Brillant, avec ses poutres, ses vieux carreaux et ses plafonds hauts, se transforme tantôt en église en rénovation, tantôt en rave nocturne. Belle utilisation, mais quelque chose cloche tout de même dans la mise en espace du tréteau frontal et surélevé de D pour Dieu?. Dans cette salle si particulière que mettent à disposition les Ateliers Jean-Brillant, il faut s’y inscrire et entrer en dialogue. Autrement, la scène y apparait comme étrangère et ce vaste espace, qui plus est, fort de sa personnalité, l’étouffe et la rend anonyme, la vidant ainsi de son pouvoir en tant que comme lieu de prise de parole.
En somme, D pour Dieu? en appelle à ce qu’il y a de collectif dans nos parcours de vie et questionnements identitaires. Dans ces montagnes russes, entre déceptions et rêves, entre la légèreté de nos idées de jeunesse et de nos trop courts amours éternels, la chute irrémédiable vers la réalité nous guette. Hymne à l’infiniment petit et à l’infiniment grand, à la simplicité et à la belle insignifiance de la vie de l’homme, D pour Dieu? nous rappelle que nous ne sommes personne et, là, pourtant, est notre soulagement.
——
D pour Dieu? des Simoniaques est repris aux Ateliers Jean-Brillant jusqu’au 29 novembre 2014. Cliquez ici pour lire une critique de la pièce As is (tel quel) des Simoniaques présentée en avril au Théâtre d’Aujourd’hui.
Article par Josianne Dulong Savignac. Issue d’Études théâtrales à l’École supérieure de théâtre, Josianne rêve d’un sandwich théorie-pratique-mayonnaise. Elle s’intéresse plus particulièrement au théâtre documentaire, à l’art visuel contemporain et au cinéma. Parlez-lui un peu et elle vous fera d’autres analogies douteuses.