.
En 2020, Alicia Guillotte assemble tous ses poèmes pour en faire un premier recueil de poésie percutant : La Guillotta, qui témoigne de plusieurs enjeux sociaux actuels, comme les troubles alimentaires, la dépression et la violence conjugale pour n’en nommer que quelques-uns. Elle fonde par la suite sa maison d’édition, Les éditions Guillotta, dont la mission est de permettre aux artistes de participer à un projet littéraire. C’est en auto-édition qu’elle publie son second recueil de poèmes Perles Rares en septembre dernier. Empreint de vulnérabilité, ce recueil à l’essence féministe révèle les expériences personnelles de l’autrice. L’autrice a aussi travaillé de pair avec des artistes pour créer des vidéos-poèmes en lien avec ses recueils de poésie. Ceux-ci, accessibles sur sa chaîne YouTube, ajoutent un contenu visuel à ses œuvres poétiques.
Parlez-nous un peu de vous, qui est Alicia Guillotte ?
Je suis une jeune écrivaine qui est émerveillée par les petites choses autour d’elle. Mon quotidien se résume à : écrire de la poésie, être organisée et ne jamais arriver en retard. Je suis quelqu’un de très simple qui préfère la campagne à la ville, qui préfère le silence aux foules, les choses calment aux choses bruyantes. Dans mon côté intense et extraverti, j’ai pourtant un côté de moi très introverti. Je suis 50/50 je suppose, ça se peut-tu, ça ? Haha.
Pouvez-vous nous résumer votre parcours académique et professionnel ?
C’est difficile de résumer, puisque j’ai eu un parcours académique assez atypique. Très jeune, je détestais les études au secondaire. J’ai été diagnostiqué avec un TDAH avec un H majuscule, donc très hyperactive. Très jeune, je ne tenais pas en place. Ma mère en a bavé! J’ai fait plusieurs écoles secondaires, j’ai été expulsée de plusieurs également. Il m’a fallu un encadrement serré avec médication pour retrouver « le droit chemin », c’est-à-dire, continuer les études. C’est au cégep que j’ai trouvé mon petit bonheur et une motivation pour apprendre.
Côté professionnel, ce sont mes ambitions et ma motivation qui m’ont donné envie de partir mes projets. C’était une « drive » intérieure, j’ai fait ces projets sans savoir trop vers où ça allait, ni ce que ça allait donner. J’avais juste envie de le faire. Je suis vraiment contente de l’ampleur que ça prend en ce moment. Mon moment le plus marquant, c’est au lancement du premier collectif en mai dernier, quand des parents sont venus me remercier d’avoir fait vivre un rêve à leur enfant, c’est-à-dire de publier leur poésie. Je ne m’attendais tellement pas à ça, ça m’a particulièrement touchée.
Vous étudiez présentement en Études féministes à l’UQÀM, comment ce programme influence-t-il votre travail ?
Oui c’est vrai, je termine présentement mon certificat en Études féministes, mais malgré mes études, ça ne m’influence pas plus qu’avant. Je pense qu’en tant que femme, on sent que les choses ne tournent pas rond bien avant qu’on comprenne les enjeux féministes et les réalités des femmes au Québec. On sent qu’il y a de grandes inégalités entre les hommes et les femmes, que le système patriarcal dans lequel on baigne est omniprésent. Mes premières questions me sont venues quand j’étais adolescente et, encore à ce jour, il y a beaucoup de choses qui ne font pas de sens dans ma tête. Sinon, pour la prochaine session, je serai au certificat en Création littéraire, dans le cœur de ce que je veux faire.
Dans vos œuvres, vous parlez de sujets forts en émotion. De quoi vous inspirez-vous pour écrire ? Y a-t-il des artistes que vous admirez et qui vous ont motivé dans votre travail ?
Je m’inspire de faits vécus, de mes expériences personnelles surtout. Il est important pour moi de parler de santé mentale, des travailleuses du sexe, des troubles alimentaires, de normaliser les tabous. J’essaye de comprendre dans le monde qu’on est, de dire à voix haute ce que les gens pensent tout bas. Je pense que j’écris beaucoup de choses que j’aurais aimé lire quand j’étais adolescente.
On me demande souvent mes plus grandes inspirations, je dirais qu’il s’agit de Lana Del Rey, Nelly Arcan, Mazzy Star et David Bowie.
D’où vous est venue l’idée de fonder votre propre maison d’édition ? Y a-t-il une histoire derrière celle-ci ?
Certainement! Quand j’ai terminé d’écrire mon premier recueil de poésie, La Guillotta, j’ai envoyé le manuscrit à une dizaine de maisons d’édition « traditionnelles » de Montréal. Après plusieurs refus, deux d’entre elles m’ont mentionné que le temps d’attente avant la publication serait de 8 mois à 1 an. J’étais vraiment découragée.
J’ai donc eu cette idée de fonder ma propre maison d’édition, pour donner de l’espoir à des écrivain·e·s comme moi, qui veulent avoir leur chance d’être publié. À Montréal, le milieu est tellement saturé que c’est presque impossible d’être publié. Ensuite, j’ai eu l’idée de faire deux collectifs par année, avec plusieurs artistes émergent·e·s, ainsi qu’un lancement accompagné des collectifs, c’est un moment de gloire pour la gang du collectif. Le premier de la maison, Yeux De Biche, a été publié le 17 mai dernier, et a gagné beaucoup de visibilité sur les réseaux sociaux. J’ai vraiment été surprise!
Dans la publication de vos recueils, quels ont été les défis de l’auto-édition ?
Je suis autodidacte. J’ai donc appris par moi-même toutes les bases d’une édition de livre, du processus d’impression, de la mise en page, de la première et quatrième de couverture, etc. Mon premier recueil de poésie a été tout un défi. À cette époque, le projet s’amorçait, donc je n’avais aucune aide et aucune idée par où commencer. Ce dont j’avais surtout envie, c’est de publier ma poésie. J’ai vraiment appris de fil en aiguille.
La Guillotta publie uniquement des œuvres de poésie. Vous mentionnez y rechercher l’authenticité, l’inclusivité et la transparence, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Je pense que la poésie est une branche à part de la littérature. Ce que je veux dire, c’est que ce sont des écrits particulièrement dans l’intime; ça se démarque vraiment des autres genres littéraires. C’est pourquoi je veux que chaque artiste écrive leur manuscrit de façon authentique à elles·eux-mêmes, que ça soit propre à elles·eux. J’ai l’impression que dans certaines industries, c’est comme s’ils essayaient de te coller quelque chose dans le front que tu ne veux pas faire ou être. Du moins, je me suis souvent sentie comme ça dans le milieu de la littérature et du mannequinat. Ce n’est pas comme ça aux éditions Guillotta. Le travail d’édition se fait dans l’authenticité de la personne, je demande beaucoup l’avis de la personne, que ça reste à son image. La poésie, c’est propre à soi.
Pouvez-vous nous glisser quelques mots sur les œuvres à paraitre chez Les éditions Guillotta en 2023 ?
Je ne peux pas en dire beaucoup… Ce que je peux révéler, c’est que deux premiers recueils indépendants de deux artistes incroyables, Philippe Cormier, réalisateur et scénariste de Montréal, et Laetitia Rivest, une écrivaine qui a participé au premier collectif de la maison et qui a une plume magnifique, s’en viennent très rapidement.
Aussi, deux collectifs sont prévus pour 2023. D’ailleurs, le prochain appel de textes pour le collectif au printemps 2023 a été annoncé le 1er décembre sous le thème « brique par brique ».
Pouvez-vous nous révéler quels sont les projets à venir pour Alicia Guillotte ?
Je travaille présentement sur mon premier court-métrage en co-réalisation avec Philippe Goulet, prévu pour mai 2023. De plus, je tâte tranquillement le terrain vers une carrière musicale. Je ne compte pas publier un recueil de poésie en 2023, je veux d’abord explorer d’autres terrains, mais je suis tout de même sur l’écriture de mon troisième.
Auriez-vous un conseil pour les étudiantes qui aspirent à publier une œuvre ou à travailler en édition ?
La seule chose qui me vient en tête serait de parler avec votre cœur et votre âme, dites ce que vous avez à dire, croyez en vos écrits et en vos rêves. Je suis certaine que vous avez une chance chez nous! Envoyez vos manuscrits ou poèmes à l’adresse courriel suivante : aliciaguillotte@leseditionsguillotta.com
Pour en découvrir davantage sur la jeune entrepreneure vous pouvez visiter son site Web et la page Instagram de sa maison d’édition. Vous pouvez aussi jeter un coup d’œil à ses créations cinématographiques sur sa chaîne YouTube.
Crédit image de couverture : Olinto Bianco