L’histoire est la même depuis 1887: dans l’Italie de la Renaissance, un officier ambitieux du nom de Iago convoite le poste de lieutenant du général Otello confié à Cassio, le meilleur ami de ce dernier. Pour arriver à ses fins, Iago persuade le bon général que son fidèle ami courtise sa femme, la belle et pieuse Desdémone. La jalousie d’Otello, qui est éperdument amoureux de son épouse, devient rapidement incontrôlable, lui fait perdre le soutien de ses amis et mène à une véritable tragédie shakespearienne. Cet opéra de Verdi est d’ailleurs inspiré de l’oeuvre éponyme de William Shakespeare.
Glynis Leyshon a choisi pour cette production une mise en scène simple et traditionnelle. Le peu de mouvements dans le jeu des comédiens, surtout dans les deux premiers actes, permet de concentrer son attention sur leur voix impressionnantes et d’admirer l’esthétique visuelle proposée par Leyshon. Les décors, les costumes et la disposition des personnages ont en effet été choisis avec un soin méticuleux, donnant l’impression au spectateur de regarder une peinture Baroque s’animer sous ses yeux.
Cependant, cette absence d’artifices dans la mise en scène cause quelques longueurs à l’oeuvre de Verdi, effet déjà créé par la musique en continu. Chaque acte n’est en effet constitué que d’une seule longue pièce, ce qui fait en sorte qu’il n’y a pas vraiment de chansons identifiables. Même l’Ave Maria (la version de Verdi), chanté par Desdémone, reste inconnue pour le public moyen, qui a donc peine à s’y attacher.
L’orchestre n’avait d’ailleurs rien à se reprocher, sauf peut-être sa timidité. Keri-Lynn Wilson a dirigé ses instrumentistes avec beaucoup de nuances et de précision, mais elle a laissé un peu trop de place au chant. L’oeuvre aurait gagné à posséder une présence plus marquée de l’orchestre, surtout dans les moments puissants du récit, comme lorsqu’Otello, aveuglé par la jalousie, humilie et bat publiquement sa femme.
Une légère déception vient aussi de la part du ténor Kristian Benedikt, qu’on sent nerveux et hésitant dans le rôle d’Otello. Son rôle est rapidement éclipsé par ceux d’Iago (Aris Argiris, coloré et audacieux) et de Desdémone (Hiromi Omura, émouvante). Ces deux derniers se sont mérité une ovation debout lors de la première représentation. Une mention d’honneur doit aussi être accordée au chœur de l’opéra, qui a su donner des frissons à l’audience à plusieurs reprises avec ses envolées puissantes.
La revisite du classique de Verdi par l’Opéra de Montréal était donc loin d’être mauvaise, mais n’a rien présenté de mémorable. Les habitués passeront un moment plaisant et les nouveaux venus seront impressionnés, mais sans briser des records.
L’opéra en 2016
Alors qu’on pourrait croire que l’opéra et la musique classique n’attirent que les têtes grises, la coloration capillaire était pourtant variée dans la salle Wilfrid-Pelletier. Le public venu assister à Otello comptait en effet des gens de tous les âges et de toutes les classes sociales.
L’Opéra de Montréal semble enfin ouvrir ses portes à un public plus large qu’avant. Il n’y a, par exemple, plus de code vestimentaire imposé ou suggéré. Le public n’a également plus à apprendre par coeur le feuillet de l’oeuvre qu’il va voir, puisque les paroles sont traduites et projetées simultanément sur un écran à l’avant de la salle.
Le site web de l’Opéra de Montréal a aussi été bonifié dans les dernières années afin d’être plus accessible. Il permet ainsi aux curieux de s’informer sur l’oeuvre qu’ils iront voir sous tous les angles possibles: les acteurs, le récit, les coulisses, etc.
Il faut donc beaucoup d’obstination pour affirmer que l’Opéra est encore un art élitiste en 2016. Sinon le prix, qui est encore plutôt élevé, rien n’empêche les curieux de s’initier à ce grand art.
— L’opéra Otello de Verdi était présenté du 30 janvier au 6 février.
La programmation de l’Opéra de Montréal est disponible ici.
Article par Marie-Jeanne Dubreuil. Étudiante en première année en journalisme à l’UQAM.