Les comédiens Marilyn Castonguay, Guillaume Cyr, Annette Garant et Jacques Girard rayonnent d’un même et grand soleil sur la scène de l’Espace Go dans Les Champs pétrolifères. Dans une maison de banlieue ordinaire, des gens ordinaires discutent de choses ordinaires. C’est monotone tout ça. Mais toute routine a une fin…
Ils sont trois sur la scène. Dans une maison de banlieue, trois individus: Bernard, Barbara et Bruno, leur fils d’une vingtaine d’années. Barbara boit de grandes gorgées de vin blanc, Bernard écoute à moitié les grandes lignes de la journée de sa douce et Bruno est plutôt absent. La petite famille est seule. Elle a besoin du regard des autres et elle aime avoir une fixation sur les voisins d’à côté.
Une nuit, Bruno met son habit de moto. Un habit rouge et un gros casque de moto. Un habit ludique dans lequel il est bien, un peu comme une armure. Sur la rue Saint-Laurent, sans doute près de Sainte-Catherine, il se balade. Il y a Blanche. Cette fille vit dans l’«ombre», dans un néant de solitude et de questionnements. Mais cette vie écorchée aura un terme, puisque Bruno vient à sa rescousse et l’emmène dans sa maison de banlieue des plus ordinaires. Pourquoi pas un peu de fantaisie dans cette vie?

Blanche passe donc la nuit dans la maison familiale. Elle deviendra bientôt l’amie de la famille, comme une petite princesse. Elle sera traitée aux petits oignons. La famille s’insère finalement dans une spirale de folie: Blanche devient un peu la coqueluche. La jeune fille de seize ans devient membre de la famille à part entière et la préférée. Chacun aura son moment avec elle: dans le garage, dans les boutiques ou dans la cuisine. Blanche devient l’American Beauty d’un récit où les personnages se retrouvent à vivre dans un univers rongé par les perversions les plus absurdes.
Les Champs pétrolifères est une pièce magique. C’est trash, c’est bizarre, c’est absurde et c’est noir: un spectacle enrobé d’une belle folie. Le tout rend la pièce drôlement colorée et on en veut toujours plus. Marilyn Castongay (Blanche) joue avec brio. Elle passe de la punk à la princesse de porcelaine et son interprétation n’est jamais trop caricaturale: elle est parfaite et dosée. Annette Garant (Barbara), avec ses bijoux dorés, ses robes beiges et ses talons hauts, a une grande prestance sur scène. Elle est une mère de famille posée, folle et affirmée. Le personnage de Guillaume Cyr (Bruno) est jaloux de l’amour que vouent ses parents à Blanche, mais il finit par la «partager» avec eux. Cyr est drôle et les fixations de son personnage sont cocasses et merveilleusement étranges. Jacques Girard (Bernard), pour sa part, est aussi impressionnant. Son jeu est si bon qu’on a l’impression d’apercevoir le comédien lui-même, dans ses pantoufles, sur la scène. Inutile de dire donc que la distribution de cette pièce est excellente et que les personnalités s’y complètent.
Des éclats de musique techno entre les tableaux de la pièce nous rappellent la force des propos d’une pièce où les dialogues sont crus et étranges. Nous constatons que ce texte est en fait une critique de société, montrant que nous pouvons toujours finir par jouer un rôle dans la vie, que nous avons tous des perversions et que nous pouvons tous avoir des idées et des moments de folie.
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Les Champs pétrolifères de Guillaume Lagarde était présentée du 19 novembre au 14 décembre 2013 à l’Espace Go. M.E.S. Patrice Dubois.
Les trois prochaines pièces du PÀP:
– Bienveillance, en tournée du 17 janvier au 22 mars 2014. Notre critique ici, notre entrevue avec Claude Poissant, là.
– Cinq visages pour Camille Brunelle sera présentée pour une deuxième année consécutive à l’Espace Go du 26 mars au 5 avril 2014. Notre critique ici, notre entrevue avec Guillaume Corbeil, là.
– The Dragonfly of Chicoutimi (pièce créée en 2010) sera présentée à l’Espace Go du 8 au 19 avril 2014.
Article par Alexandre Graton – étudiant à l’UQAM, au baccalauréat Communication (journalisme). Alexandre est passionné par la culture, la radio, la philosophie, la psychologie de l’humain et adore le théâtre et le cinéma québécois.