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15-05-2025 Vol 19

Un oiseau qui s’est fait couper les ailes. Birdman de Alejandro Gonzàlez Iñárritu

Les rumeurs des Oscars commencent à courir, et le film Birdman (ou les vertus insoupçonnées de l’ignorance) est sur toutes les lèvres. On y retrouve des performances hallucinantes, un jeu de caméra splendide et un récit où se rencontrent héros et anti-héros. Décidément, la course à la statuette est envisageable une seconde fois pour Alejandro González Iñárritu.

Michael Keaton © 2014 - Fox Searchlight
Michael Keaton
© 2014 – Fox Searchlight

Imaginez être la star d’un film de superhéros. Vous êtes célèbre. Les paparazzis sont à vos trousses, les fans acclament votre nom, bref, le monde est à vos pied. Mais, cette vie se passe durant les années 1990, et la série de films de votre héro prend fin après trois titres. Les années 1990 passent, puis commencent les années 2000, sans aucun autre succès du genre. Nous sommes en 2014. Les tabloïds vous connaissent encore, mais comme un personnage d’il y a 20 ans. Vous voulez redonner une flamme à votre nom presque éteint. Ça, c’est la situation de Riggan, interprété par Michael Keaton, dans le film Birdman.

Le film du réalisateur Alejandro González Iñárritu (Babel, Biutiful) raconte l’histoire d’une production de Broadway réalisée par un ex-superhéros, plus célébrité qu’acteur, en quête d’un nouveau projet. Cette transition de l’écran vers la scène est un mouvement assez vu chez les stars hollywoodiennes, ou encore par des metteurs en scène espérant donner une certaine visibilité à leur œuvre. Ces deux cas sont présentés dans Birdman. On le voit à travers le personnage de Riggan (Keaton), et dans le personnage de Mike (Edward Newton) qui se fait engager par son talent pour attirer les foules.

La brochette d’acteurs pour cette réalisation est impressionnante: Zach Galifianakis dans un rôle plus sérieux que drôle comme on lui connait; Naomi Watts dans le rôle de la vierge de Broadway qui s’y lance pour la première fois; Emma Stone, la jeune adulte et fille de Riggan qui voit le plus clair dans son jeu. Le personnage de Sam (Stone) nous parait au départ comme un personnage désorienté, du fait qu’elle est tout fraîchement sortie de réhabilitation pour sa consommation de drogue. Plus le film avance, plus on se rend compte qu’en fait, Sam est probablement celle avec les pieds les plus sur terre.

Alejandro González Iñárritu © 2014 - Fox Searchlight
Alejandro González Iñárritu en production
© 2014 – Fox Searchlight

Côté technique, le réalisateur frappe encore. La caméra est nos yeux, et Iñárritu l’a guidée comme un chef d’orchestre pour nous offrir des superbes plan-séquences. En fait, le film entier semble être un plan-séquence du début à la fin. Les transitions se font en une telle fluidité que l’on n’aperçoit pratiquement pas que la caméra a coupé pour laisser respirer ses acteurs un peu. Le film est en constant mouvement. Les acteurs bougent, courent, et nous sommes essoufflés avec eux. C’est un effet qu’Iñárritu aime bien faire vivre à son public, un réel plongeon dans son film.

Un autre effet que le réalisateur nous propose est l’utilisation du fantastique. En effet, le film ouvre sur Riggan en pleine médiation, ou plutôt, en pleine lévitation. Lorsqu’il se retrouve par lui-même, l’ancien héro semble retrouver ses pouvoirs d’oiseau, que ce soit voler ou faire bouger des objets avec son esprit. Riggan est tellement imprégné de son ancienne identité que Birdman devient sa conscience, un peu trop présente pour quelqu’un sain d’esprit. La question se pose: Riggan est-il sain d’esprit? Par ses sautes d’humeur fréquentes, par sa perte de confiance, par son manque de tact dans ses relations familiales et amoureuses, par les voix et les pouvoirs dans sa tête, la réflexion est obligée. Riggan est encore un oiseau, mais un oiseau en cage dont son propriétaire a perdu la clé.

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Birdman de Alejandro Gonzàlez Iñárritu est en salle depuis le 31 octobre à Montréal, et sera à l’affiche dès le 7 novembre dans les salles du Québec.

Article par Camille P. Parent.

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