Thursday

17-04-2025 Vol 19

Est-ce tout? Ishow des Petites Cellules Chaudes.

Est bien pris qui croyait prendre. Haha. Mais ensuite?

Lors de sa première présentation au OFFTA 2012, le iShow avait saisi ses spectateurs par sa contemporanéité et la mise en danger de son équipe. Repris aujourd’hui à l’Usine C, le dispositif scénique déborde effectivement de créativité : une longue table autour de laquelle une dizaine d’interprètes bavardent sur Chatroulette. Les conversations sont projetées à tour de rôle sur un écran géant afin que tous puissent assister à l’évolution de la conversation. Si l’équipe de conception considère le voyeurisme comme étant le propos du spectacle, la supercherie pourrait résumer sa mécanique. La représentation est en fait une suite de fumisteries visant à amener l’internaute à participer ou à se dévoiler. Soit, on prend soin de tout expliquer au pigeon après coup, toutefois le collectif des Petites Cellules Chaudes réussit à se jouer de tout le monde, le public inclus.

iShow (Crédit photo Jérémie Battaglia)
iShow (Crédit photo Jérémie Battaglia)

On tient cependant une réflexion très intéressante sur l’ère des internet, un sujet malheureusement encore sous-exploité dans le théâtre actuel. D’abord et bien sûr, le classique du voyeur vu. Pour ceux qui ne s’y sont jamais aventurés, Chatroulette est le lieu de rassemblement de prédilection des amateurs de cybersexe. Le site réunit les clavardeurs aléatoirement en duo, ce qui provoque des rencontres uniques et inusitées. Quelle n’est pas la surprise de ceux qui croient avoir droit à un « peep-show » gratuit lorsqu’il réalise qu’il est épié par une salle de 300 personnes! Cette séquence est cependant reprise sans arrêt au cours du spectacle, tant et si bien en fait que celui-ci prend les allures d’une série de gags. On entrevoit, le temps d’une lecture de Rostand, la richesse d’une voie de communication directe avec l’autre, où qu’il soit. Nos moyens de communication n’ont jamais été aussi développés, pourtant nous ne sous sommes jamais sentis aussi isolés les uns des autres.

iShow (Crédit photo Jérémie Battaglia)
iShow (Crédit photo Jérémie Battaglia)
iShow (Crédit photo Jérémie Battaglia)
iShow (Crédit photo Jérémie Battaglia)

Chatroulette se voulait un lieu de rencontre mondial accessible à tous, mais considérant le nombre d’organes génitaux présentés durant la représentation (volontairement ou non), on comprend bien que ça n’est plus l’utilisation qu’on en fait. On parle donc aussi de la perversion de nos outils de communications et de mise en commun en mentionnant au passage les célébrités du web. Tweets, vidéos YouTube et pages Facebook sont recréés sur scène, tout comme la conversation d’une victime du massacre d’Utøya avec sa mère et la diffusion proposée aux volontaires du vidéo de Luka Magnotta. Néanmoins, on croirait que ces extraits ne visent qu’une présentation sommaire des ratés d’internet pour les non-initiés.

Le iShow reste somme toute un atelier exploratoire de son dispositif scénique. En sortant de la salle sous la surveillance d’une webcam, j’avais la vague impression d’avoir été flouée. Il ne me restait des 75 dernières minutes qu’un grand vide de sens. Le voyeurisme est facilité par l’anonymat sur internet? On peut choisir d’être qui on désir être sur internet? Oui, mais ensuite? Quels espoirs, quelles solutions, quels possibles pour la suite?

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iShow des Petites Cellules Chaudes, présenté du 18 au 28 septembre 2013 à l’Usine C. M.E.S. Des Petites Cellules Chaudes.

Article par Corinne Pulgar. Bachelière en art dramatique, parfois régisseur, metteur en scène et conseillère dramaturgique. Aussi végétarienne, humaniste, addict de la parrhésie et numéricienne lettrée.

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— LE MAGAZINE DES ÉTUDIANT·E·S EN ART DE L'UQAM