Welsford, publié en octobre par la maison d’édition franco-ontarienne Prise de parole, est le premier roman de Claude Guilmain. Ce n’est toutefois pas sa première œuvre publiée : il est reconnu pour l’écriture de nombreuses pièces de théâtre ainsi que pour son travail de metteur en scène, scénariste et réalisateur pour l’Office national du film du Canada. Guilmain s’éloigne des feux de la scène et des caméras en présentant un tout nouveau roman policier qui dévoile des secrets enfouis depuis près d’un demi-siècle.
Le roman commence sur une forte note avec la découverte d’un squelette sous une piscine dans un quartier résidentiel de la région de Toronto. Ce sont deux enquêteurs francophones, Miloud Benslimane et François Duchesne, qui dirigent l’investigation. En arrivant sur la scène du crime, ce dernier réalise que les ossements ont été découverts sur le terrain voisin de sa maison d’enfance. Témoin de la construction de la piscine en 1970, François retrace les événements des jours précédents en tentant de comprendre les liens existant entre ce meurtre et les gens de son passé. Grâce à des sauts temporels, les lecteur·rice·s alternent entre l’été 1969 et l’été 2019, remettant en contexte les pistes suivies par les enquêteurs.
Claude Guilmain réussit à créer une intrigue complexe et captivante qui tient son lectorat en haleine jusqu’à la toute fin. Avec le meurtre datant d’une cinquantaine d’années, l’enquêteur se retrouve au cœur d’une toile où se confondent souvenirs d’enfance, témoignages incertains et révélations choquantes. L’investigation permet de mettre en lumière des événements de son enfance sous un angle différent et force Duchesne à remettre en question tout ce qu’il croyait savoir. Sans vouloir trop dévoiler le scénario, plusieurs coïncidences lient le policier au drame, au point où la résolution de ce cold case devient personnelle.
Je dois avouer que ma première impression du narrateur, l’enquêteur François Duchesne, a été assez mitigée. Bien que je ne fusse pas nécessairement en accord avec tous ses agissements lors de ma lecture, le personnage est assez bien décrit pour être réaliste et susciter des émotions fortes chez ses lecteur·rice·s. L’homme, près de la retraite, est très terre à terre et fait souvent fi des ordres s’il croit que ses démarches peuvent faire avancer l’investigation. On se retrouve tour à tour frustré·e·s, étonné·e·s ou inquiet·ète·s au fil du récit, ce qui démontre bien le talent de l’auteur. L’action ne laisse aucune place aux temps morts et les lecteur·rice·s n’ont pas le temps de s’ennuyer! Les chapitres courts imposent d’ailleurs un rythme de lecture rapide qui correspond parfaitement au déroulement de l’enquête.
En plus de l’intrigue prenante, un des éléments les plus importants de l’écriture de ce roman est la décision de l’auteur d’y mêler l’anglais et le français. En effet, le choix lexical de laisser des traces d’expressions anglophones dans le récit est un élément crucial, selon moi, à l’obtention de l’effet d’authenticité essentiel à la réussite d’un bon roman policier. Alors que les enquêteurs principaux sont francophones, on comprend que toutes les discussions avec une personne tierce se déroulent en anglais. Le vocabulaire en langue anglaise qu’on retrouve disséminé à travers les dialogues illustre bien la réalité du bilinguisme des Franco-Ontariens.
Welford est un roman qui ne décevra pas les amateur·rice·s du genre policier et permettra peut-être à certain·e·s de retourner à l’époque de leur enfance le temps de leur lecture.
Guilmain, Claude, Welsford, Sudbury, Prise de parole, coll. « Roman », 2023, 274 p.
Article rédigé par Éloïse Huppé-Gignac