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17-04-2025 Vol 19

Corinne Cardinal, entre Valfreya et les bancs de l’UQAM

Fondatrice et frontwoman du groupe métal Valfreya, choriste, chanteuse classique, graphiste, professeure de chant et étudiante à l’Université du Québec à Montréal, Corinne Cardinal a un parcours des plus intéressants. À travers ses nombreux et très diversifiés projets, elle démontre une grande polyvalence au plan vocal, des qualités d’interprète hors-pair, ainsi qu’un sens artistique aiguisé.

L’Artichaut a eu la très grande chance de s’entretenir avec elle. Voici l’entrevue qu’a réalisé le chef du pupitre musique, Dominique Fréchette avec Corinne Cardinal dans le but d’en découvrir plus sur le parcours de cette artiste et étudiante uqamienne.

Corinne Cardinal (crédit photographie : Dominique Fréchette)

 

Dominique Fréchette: Si, pour plusieurs de tes collègues de l’UQAM, tu es Corinne Cardinal, tu as fondée seule le groupe folk/black métal Valfreya en 2009. Tu as composé presqu’à toi seule le premier opus de ton groupe et tu as su t’entourer d’excellents musiciens pour finalement l’offrir au public en 2012 sous le titre Path to Eternity. Tu brilles sur cet album par ton excellente performance vocale, mais aussi par ton travail de composition. Bien que tu sois une artiste accomplie, tu es retournée à l’université pour étudier le chant classique. Pourquoi, et surtout comment, crois-tu que l’université réussie à t’aider à t’améliorer encore aujourd’hui? Puis, que crois-tu que tes études t’apportent de plus comme artiste et au plan professionnel?

 

Corinne Cardinal: Je vois mon parcours en musique comme une formation continue : l’université fait tout simplement partie de ce cheminement. Je suis actuellement finissante au baccalauréat en musique (pratique artistique). Depuis le début de mes études universitaires, j’ai énormément progressé, tant sur le plan artistique qu’académique; ces nouvelles compétences artistiques me permettront, de plus, d’être plus efficace et professionnelle lors de mes contrats ou projets musicaux futurs. Il faut aussi comprendre que les connaissances et compétences acquises lors de ce baccalauréat ne consistent pas uniquement à apprendre notre instrument : la concentration «Pratique artistique» du département de musique de l’UQAM vise la formation de musiciens capables d’appréhender globalement leur rôle dans les situations complexes générées par le milieu musical et d’assumer leur identité propre dans un rapport créatif et significatif à la discipline. Je me rends compte que le baccalauréat est un minimum lorsqu’on souhaite faire une carrière professionnelle en musique classique et être en mesure de comprendre son langage musical propre et ses processus créatifs, de bien l’interpréter ou même de l’enseigner.

 

DF: Bien que tu aies entrepris des études depuis la formation de Valfreya, tu as continué à travailler avec ton groupe et vous avez sorti votre tout dernier album Promised Land il y a un peu plus d’un an, en janvier 2017. Comment arrives-tu à allier la vie d’étudiante au baccalauréat avec celle du studio et surtout celle de la scène?

 

CC: Ce n’est pas facile d’allier vie étudiante au travail et à mes autres projets artistiques, comme Valfreya. Je produisais des spectacles dans la scène Métal montréalaise depuis 2010, mais j’ai dû arrêter d’en produire en septembre 2017 afin de pouvoir davantage me concentrer à mes études. Je me suis rendue compte qu’étudier est un travail à temps plein. Pour ce qui est de Valfreya, j’ai également coupé sur le temps qui était dédié aux sessions de compositions et à l’organisation de spectacles en cours de sessions: je tente de me rattraper pendant l’été.

(crédit photographie : Dominique Fréchette)

DF: Ton groupe sera présent au Salon de la passion médiévale les 4, 5 et 6 mai prochain au Centre Pierre-Charbonneau à Montréal pour y jouer des versions acoustiques de vos pièces et pour y rencontrer vos fans. Les thèmes médiévaux sont bien sûr très présents dans la musique de Valfreya, où la bravoure, l’honneur et la gloire des guerriers côtoient magie, univers fantastiques et mythologies. Quelles sont les œuvres et artistes musicaux, littéraires ou visuels qui t’inspirent lorsque tu écris les paroles de tes chansons?

 

CC: J’aime tout ce qui relève de la fiction : du fantastique à la science-fiction. Pour ce qui est de Valfreya, j’utilise la musique pour me faire rêver et faire vivre des aventures aux auditeurs. La notion d’héroïsme est en effet très présente dans cette musique : les héros ne se distinguent pas uniquement par des succès extraordinaires, mais aussi par une force de caractère, une vertu, une grandeur d’âme peu commune. À travers ces histoires extraordinaires, les personnages sont amenés à remettre leurs idéaux et valeurs en question, tout comme chacun d’entre nous tout au long de notre vie. Je trouve que la dimension épique rehausse fortement l’intensité des émotions chez l’auditeur; en tout cas, moi, ça vient me chercher! Du coté littéraire, je suis très influencée par les contes, les légendes et les histoires de la mythologique nordique. J’imagine que plusieurs contes de mon enfance ont dû m’influencer ainsi que très certainement plusieurs films, mais je ne pourrais mettre le doigt dessus : Le Roi Lion ? Hahaha !

 

DF: Au plan sonore, quels sont les groupes, chanteurs, chanteuses ou genres musicaux qui t’inspirent?

 

CC: La diversité des genres musicaux qui m’inspirent est vaste : la musique folklorique, celtique, classique (de diverses époques et de divers styles), métal et même le rock progressif en font partie. En classique, j’aime beaucoup le répertoire de la période romantique et les timbres de voix riches de certaines mezzo-sopranos tel que Marjana Lipovsek et Christianne Stotijn.

Pour ce qui est de la musique Métal, les premiers groupes qui m’ont influencés sont des groupes de Power Metal symphoniques tel que Rhapsody, Dark Moor ou Heavenly. Ensuite mes goûts ont dérivé vers quelque chose de plus agressif comme le Black / Death Metal. Je pense que mon projet Valfreya reflète en quelque sorte un mixte de ces deux sous-genres du Métal. Pour ce qui est de la voix, c’est avec le premier album de Wintersun que j’ai pratiqué mes premiers growls.

(crédit photographie : Dominique Fréchette)

DF: En plus de ton travail au sein de Valfreya, tu chantes aussi dans un chœur et tu compléteras bientôt ton baccalauréat en musique durant lequel tu t’es concentrée sur le chant classique. Tu as donc un intérêt pour la scène au-delà de la musique métal. Pourrais-tu nous parler plus en détail de ton parcours en tant qu’étudiante mais aussi en tant qu’interprète dans le monde du chant classique?

 

CC: Je chante dans des chœurs depuis que je suis toute petite. J’ai commencé à prendre des cours privés de chant classique à l’adolescence. En 2007, j’ai entrepris de faire un DEC en musique (chant classique) au Cégep St-Laurent. Parallèlement à ces études, j’ai suivi des cours de piano, de violon et de guitare classique, mais mon instrument principal est demeuré la voix (ne me demandez pas de jouer du violon : ce ne serait pas fameux). Par la suite, j’ai fait une session à l’Université de Montréal en composition instrumentale. C’est après cette session que j’ai décidé à l’époque d’arrêter mes études universitaires.

Selon moi, les arts sont indispensables tant à l’épanouissement de l’individu que de la société, mais ce n’est pas toujours évident de croire qu’on peut en faire une carrière. J’ai donc décidé de suivre des cours en graphisme dans le but, non pas de faire de la musique mon travail, mais de travailler pour faire de la musique. J’ai continué à prendre des cours de chant et à investir du temps dans mes autres projets musicaux. En 2010, j’ai lancé l’entreprise Xtrem Productions qui a produit plus de 200 spectacles en sept ans. Conjointement à cela, j’ai géré ma propre entreprise de graphisme et j’ai travaillé en vente à temps partiel.

Cela m’a pris plusieurs années pour comprendre que je suis ce qu’on appelle communément une « artiste » et j’ai réalisé que j’étais fatiguée de me lever le matin pour faire quelque chose que je n’appréciais pas réellement. Je ne peux pas entrer dans le moule d’un employé salarié qui travaille à temps plein de 9 à 17h, 40 heures par semaine, dans un domaine qui ne me plait pas. J’ai décidé de retourner aux études en 2015 et me voici donc finissante au baccalauréat en musique de l’UQAM.

 

DF: En dehors de la scène, tu as mis ton talent d’artiste et la puissance de ta voix au service d’autres projets, notamment dans l’univers des jeux vidéo. Pourrais-tu nous parler de ton expérience et de comment tu en es venue à prêter ta voix à des créatures terrifiantes?

 

CC: J’ai obtenu des contrats pour faire des voix de monstres dans des jeux vidéo tels que Resident Evil 7 et Rainbow Six : Siege, ainsi que dans des séries télévisées telle que Helix. C’est une question de contact qui se fait principalement de bouche-à-oreille. J’ai développé des techniques vocales qui me permettent d’utiliser plusieurs facettes originales de ma voix. Il faut aussi avoir une bonne imagination pour bien interpréter les rôles, aussi monstrueux soient-ils.

(crédit photographie : Dominique Fréchette)

DF: Une réelle passion pour la musique se dégage de toi lorsque tu es sur scène, mais aussi lorsque tu parles de musique. Ton intérêt pour la création artistique en est un qui combine l’académique avec l’artistique et le professionnel. C’est une question qui peut sembler prévisible, mais qui revêt toujours une grande pertinence, surtout puisque tu termineras bientôt ton baccalauréat à l’UQAM : quels sont les projets futurs pour Corinne Cardinal? Où espère-t-elle que l’avenir la mène?

 

CC: Je souhaite faire une Maîtrise en chant classique afin de continuer à parfaire ma technique vocale, ce qui me permettra d’avoir de plus en plus de contrats professionnels et aussi de continuer à me faire un nom en chant lyrique afin de finalement être capable de vivre de mon vrai métier: la musique. Il y a tant de choses que j’aimerais faire en maîtrise, mais il me faudra faire un choix: la musicologie, la direction orchestrale et la composition instrumentale sont aussi des domaines qui m’intéressent. Peut-être irais-je un jour étudier dans un de ces domaines? D’ici là, je compte m’impliquer dans le plus de projets musicaux qui me permettront de m’épanouir.

 

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Nous voulons remercier Corinne Cardinal d’avoir participé à cette entrevue et à la séance de photographie que nous avons réalisé pour accompagner ce texte.

Corinne Cardinal présentera son concert de fin de baccalauréat le 15 avril prochain à 16h à la salle O Patro Vys de Montréal où elle chantera des œuvres de compositeurs tels Dvořák, Tchaïkovski, Rachmaninov et Stravinsky. Valfreya sera en spectacle aux Foufounes Électriques le 30 mars prochain en tant que soutien direct du groupe Ex Deo. Pour de plus amples informations sur le travail de Corinne et sur ses divers projets musicaux et artistiques, vous pouvez la suivre sur sa page Facebook ou visiter son site web professionnel.

 

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Article par Dominique Fréchette. Codirecteur éditorial, diplômé à la maîtrise et au baccalauréat en science politique à l’Université du Québec à Montréal.

Artichaut magazine

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