Une union amoureuse lumineuse et singulière, à la manière de celle formée par Colin et Chloé dans L’Écume des jours, voilà ce qu’on retrouve dans L’histoire des ours pandas racontée par un saxophoniste qui a une petite amie à Francfort, pièce présentée à la salle intime du théâtre Prospero. Pour une première création, la jeune compagnie du Théâtre du Chantier, formée de huit diplômés de la cuvée 2009 du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, a vu juste. Édith Côté-Demers signe avec grâce et maturité sa première mise en scène.
Avec les deux comédiens de la pièce, Sonia Cordeau et Charles-Alexandre Dubé, Côté-Demers fait rayonner avec brio le texte du dramaturge français d’origine roumaine, Matei Visniec, rarement monté sur nos planches montréalaises. Teinté à la fois de folie, d’absurdité, de lumière et de beauté, le texte de Visniec nous raconte l’histoire d’Elle (Sonia Cordeau) et de Lui (Charles-Alexandre Dubé). Après une soirée de fête, Lui se réveille confus de retrouver une parfaite étrangère, Elle, nue à ses côtés. Cette soirée nébuleuse, dont les souvenirs lui échappent à l’exception d’un arrière-goût de vin amer, lui sera remémorée par elle. C’est ainsi qu’on apprendra, entre autres, qu’il l’aurait charmée la veille avec les vers de Baudelaire et la musique de son saxophone. Illuminé par la présence de cette belle inconnue, le saxophoniste de métier fait un pacte avec la jeune femme: passer neuf nuits avec cette dernière pour apprendre à la connaître davantage. Traversé par des rêves et de l’espoir, le magnifique texte de Visniec est totalement dépourvu de cynisme.
Elle offre à Lui, pour son anniversaire, un petit animal sans nom, silencieux, invisible au regard, mais qu’il faut chérir. Intrigué, Lui se demande comment il peut être certain de l’existence de l’animal. Elle lui répond de soulever doucement la housse sur la cage, d’y glisser une assiette pleine de nourriture, puis d’y redéposer la housse. Quelques instants plus tard, c’est lorsqu’il retirera l’assiette vide de sous la couverture que l’existence de l’animal lui sera confirmée. Une chose est certaine, souligne Elle, c’est la présence de l’animal qui importe. Le texte est parsemé de ces moments magiques.
Lui est puissamment aveuglé par le désir et la fantaisie qu’il vit avec la jeune femme qu’il connaît à peine. Au bout de neuf nuits, que se passera-t-il? L’intrigue nous captive. Le spectateur est attiré par la lumière de ces deux êtres qui s’épanouissent dans cette histoire d’amour spontanée et hors de l’ordinaire. Sonia Cordeau et Charles-Alexandre Dubé sont attachants, complices et fougueux. Tout deux jonglent aisément avec les nuances du texte. Ils nous font rire et nous rendent l’espoir, la folie et la couleur qui se dégagent de l’oeuvre.
Campée dans un même lieu, la chambre à coucher que propose Côté-Dermers transcende la petite salle du Prospero par son univers fantastique rempli de rêves et de magie. L’histoire des ours pandas… déploie une énergie contagieuse, riche autant dans le texte, dans la mise en scène, dans le jeu des comédiens que dans la scénographie. La splendeur de cette production est nettement plus grande que la salle. Sans aucune prétention, le Théâtre du Chantier nous offre une toute première production vraie et remplie de charme.
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L’histoire des ours pandas racontée par un saxophoniste qui a une petite amie à Francfort est présentée au théâtre Prospero jusqu’au 15 mars. Une production de la compagnie Théâtre du Chantier. M.E.S Édith Côté-Demers.
Article par Alexandre Graton – étudiant à l’UQAM, au baccalauréat Communication (journalisme). Alexandre est passionné par la culture, la radio, la philosophie, la psychologie de l’humain et adore le théâtre et le cinéma québécois.