Le débat polarisé qu’entraine présentement la charte des valeurs québécoise fait couler beaucoup d’encre. Faut-il protéger l’héritage d’un simple peuple? Faut-il plutôt s’accommoder des différentes habitudes culturelles et religieuses qu’emportent avec eux ceux qui décident d’emménager au Québec? Ce débat récurrent fait place au questionnement de la nature de l’identité du peuple québécois.
La pièce Dominion, en parallèle de ce débat, est teintée de cet univers qui suscite les passions. La langue, autre grand thème boomerang au niveau politique, traverse l’entièreté de sa narration. Faut-il protéger la langue française? La langue, tout comme la religion, caractérise la société québécoise. Effectivement, la création se ce spectacle est si ponctuelle qu’on en vient à se demander si Sébastien Dodge avait deviné la date de présentation du projet de loi sur la charte des valeurs québécoises. Ainsi, du 10 septembre au 28 septembre, Sébastien Dodge raconte l’histoire du peuple québécois à travers sa dernière création. Dominion, c’est un savant mélange entre humour et histoire. C’est la culture d’un peuple, c’est sa langue, c’est son territoire, le tout, sous forme de parodie.
On se retrouve ainsi devant cette mosaïque sur la création de ce pays d’est en ouest, comme un long voyage en train. Le spectateur voit se créer trois tableaux principaux. L’un qui présente la collusion dans laquelle ont trempé les différents hommes d’influence entourant la création du chemin de fer du Canadian Pacifique. C’est la rencontre entre deux hommes politiques, John A. Macdonald (Félix Beaulieu-Duchesneau) et George-Étienne Cartier (Mathieu Gosselin). Rencontre ayant changé le cours de l’histoire. Un tableau puissant, qui parle de lui-même.
Dans la scène suivante, on fait face à l’histoire déchirante d’un couple dont l’homme, tourmenté, décide de quitter sa femme et de se tourner vers la forêt. Sa femme (Myriam Fournier) décide plutôt de cracher au visage du capitalisme, y déversant toute sa frustration. Elle partage sa colère de manière éloquente et la fait vivre au public. Son homme (Patrice Dubois), quant à lui, constate en se désolant que désormais, plus rien n’est pareil. Il parcourt la forêt en constatant qu’au profit du modernisme, la destruction de l’homme s’est étendue à la nature, ravageant au passage ce qui existait auparavant, lorsque les autochtones occupaient le territoire. Le dernier tableau s’attache à l’évolution, dans un petit village, de Wilfrid Laurier (Miro Lacasse). Sans être totalement nécessaire à l’ensemble du récit, cette saynète, de par son caractère satirique, permet de faire décrocher le spectateur.
On sent dans Dominion une puissante dimension évocatrice. L’imaginaire du spectateur est mis à profit tout au long de la pièce, ce qui a pour effet d’éveiller, de susciter la curiosité, mais surtout de capter l’attention d’un large public. Tout est réglé à merveille, les répliques s’enchainent sans faille et la beauté de la langue que Sébastien Dodge a su déployer contribue pour beaucoup à l’efficacité du spectacle. Par son décor magistral, ses effets spéciaux qui surprennent, Dominion s’approche de ce que je qualifierais de grand art.
Dominion, c’est une représentation du Canada, de ses vices et ses défauts. C’est la cruauté humaine. Mais avant tout, Dominion, c’est un constat visant la société actuelle. Cette pièce entre en rapport direct avec la situation présente du Canada, pointant du doigt sa corruption, la soif de pouvoir de ses grands hommes politiques, malgré leurs ambitieux projets de société. En cette heure d’importante redéfinition d’identité québécoise, il est avisé de se tourner vers le passé comme le fait Dodge, ne serait-ce que pour comprendre d’où nous venons.
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Dominion de Sébastien Dodge, présenté du 10 septembre au 28 septembre 2013 à l’Espace Libre, M.E.S. Sébastien Dodge.
Ce spectacle participe au programme Carte Prem1ères, leurs abonnés bénéficient d’un rabais de 50 % sur le prix de leur billet durant la première semaine de représentations. Abonnez-vous et soutenez le théâtre émergent!
Article par Jennifer Pelletier. Étudiante en communication et politique. Amatrice de théâtre.