C’est au théâtre MainLine, entre deux commerces de la rue Saint-Laurent, qu’Atypique–Le Collectif et Dans son salon ont présenté la nouvelle version de leur dernière création. Les deux jeunes collectifs de danse ont œuvré ensemble pour réaliser un spectacle qui nous immerge dans un univers post-apocalyptique.
SQUAT: le musée de la «Fin» est une représentation parfois humoristique, tragique et désarticulée, mais toujours sensible, de la «fin». La fin de quoi? Du monde? Celle d’un commencement ou celle du spectacle? C’est une ambigüité sur laquelle joue les deux meneuses de la soirée, Karenne Gravel et Emmalie Ruest, à la fois interprètes et chorégraphes du collectif Dans son salon. Tout au long de la soirée, elles accompagnent le public et l’amènent à circuler à travers le théâtre – le lobby, la scène et l’arrière du décor – en encourageant une participation active de leur part. Cette volonté d’investir les lieux de manière novatrice et inattendue est d’ailleurs la mission principale d’Atypique–Le Collectif, qui s’est joint pour l’occasion à de nouveaux collaborateurs. Dans son salon est quant à lui reconnu comme étant un duo qui s’exprime avec autodérision et humour absurde, tout en abordant des questionnements profonds.
Vêtues de costumes rappelant des personnages de Star-Trek, chandail à manches longues jaune avec encolure foncée, les animatrices sont à la fois drôles et un peu maladroites dans leur gestuelle. Tout en se moquant d’elles-mêmes et d’une danse contemporaine plus classique, elles nous entrainent dans une fête de mouvements et de commentaires amusants et réflexifs. Leur coté kitsch, élément au centre de leur recherche artistique, est mis de l’avant par les choix musicaux, les costumes et les chorégraphies comiques.
C’est dans cette belle folie que s’infiltrent les pièces d’Atypique-Le Collectif, constitué de Marie-Pier Bazinet, Élise Bergeron, Vanessa Bousquet, Philippe Poirier et Jessica Viau. Fidèles à leur habitude, les interprètes investissent les espaces et recoins du théâtre avec des propositions solos variées. Les danseurs sont affublés pour la plupart de prothèses ou d’appendices corporels qui participent à l’esthétique inquiétante et contemplative de leur performance. Composés de tissages de fils électriques, de drapés ou de pièces robotiques, ces organes externes dissimulent leurs visages et, ajoutés aux effets de leurs expressions corporelles, donnent l’impression au spectateur d’être témoin de transformations chez des créatures mi-hommes mi-animaux. En s’amusant avec les contraintes des lieux, les danseurs évoquent des créatures intrigantes et, semble-t-il, intriguées: tout en se mouvant, ces curieux personnages «flairent» les spectateurs. La gestuelle de l’ensemble du groupe, tout en fluidité, sensibilité et performance physique, est une de leur marque distinctive; c’est sans doute là le fruit de leur cinq années de création en collaboration.
Des décors de style post-apocalyptique nous plonge dans cet univers trouble. Sur scène, des fils et des ampoules nues pendent du plafond, des piles d’objets tels des débris sont entassés un peu partout à travers les trois «bunkers» qui constituent l’ensemble du théâtre. Les protagonistes nous dirigent, par des commandes vocales, physiques ou même écrites, à travers l’espace et même sur scène. L’envers du décor est exposé pour participer à cet effet de planète déchue, de monde peuplé de créatures dansantes, prises au piège. Une mention particulière pour la musique électro-acoustique minimaliste très juste qui s’accorde au thème et arrive à lier harmonieusement les différentes séquences. Quelques surprises pop et disco, qui contribuent à créer une ambiance plus ludique, parviennent quant à elles à nous faire sourire.
Présenté dans le cadre du festival Phénomena, SQUAT: le musée de la «Fin» a parfaitement su trouver sa place parmi leur programmation qui se termine vendredi prochain, le 24 octobre 2014. Ce jeune festival montréalais met de l’avant des artistes sortant des classifications disciplinaires habituelles et qui présentent des propositions risquées, aux esthétiques poétiques et imaginatives. On aime ce qui sort de cette collaboration entre deux collectifs très différents qui ont su s’adapter et même tirer avantage d’un lieu institutionnel classique, malgré leur coutume d’investir des lieux moins communs (ex: église, bar, stade, école). Ils ont su nous mener avec tact jusqu’au bout de leur aventure qui se termine sur une note noire, en contraste avec l’ambiance souvent festive du reste de la soirée. Le spectateur reste désemparé devant l’explosion de colère de l’une des interprètes qui ne nous laisse rien présager de bon quant à ce qui se passe après la Fin…
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SQUAT était présenté les 17, 18 et 19 octobre au théâtre MainLine dans le cadre du festival Phénomena.