Le 11 février dernier, Joséphine Bacon était l’invitée d’honneur de la soirée Amour dans le cadre des ciné-conférences OPTIMISTA à la Maison de la culture de Verdun. Accompagnée d’une performance musicale atmosphérique offerte par la vocaliste Laur Fugère, Joséphine a récité quatre poèmes, d’abord en innu-aimun, puis en français. Les mots de la poète ont transporté le public jusqu’au cœur de la toundra.
À la suite de la lecture, deux jeunes enfants vêtu·e·s des couleurs de la Saint-Valentin sont venu·e·s la rejoindre sur scène. L’une d’entre elleux, dont la timidité a fait sourire la salle, lui a demandé ce qu’était l’amour. « C’est tellement grand, et ça continue de grandir plus tu vieillis, plus ta famille s’agrandit. Ce ne sont pas seulement les humains qu’on aime, mais aussi les arbres, les montagnes, les rivières. »
L’amour de Joséphine Bacon pour Nutshimit, « l’intérieur des terres » en innu-aimun[1], se matérialise dans sa poésie comme « un être vivant ». Les poèmes de l’autrice s’adressent à la nature – le « tu » devient parfois toundra, parfois Nutshimit, « la terre qui [l’]a vue naître, » explique Joséphine.
Un court entretien avec Joséphine m’a été accordé à l’entracte. Curieuse d’en apprendre plus sur son processus d’écriture, je lui ai demandé comment elle approchait la traduction de ses poèmes : « C’est une adaptation. Quand j’écris mes poèmes dans ma langue, ce que j’écris [ensuite] en français, c’est mon âme que je traduis dans la langue. C’est pareil si j’écris le poème en français [en premier] ; je veux que les Innus voient à quel point leur langue est poésie. »
La soirée s’est poursuivie avec le documentaire Je m’appelle humain, réalisé par Kim O’Bomsawin. Le film brosse le portrait de Joséphine Bacon selon les mots et le regard des gens qu’elle aime, mais aussi à partir de son travail de réalisatrice et d’autrice. On y découvre que c’est au croisement de son amour pour Nutshimit et de sa fierté de parler l’innu-aimun que se rejoignent toutes les parts de sa vie.
Dans ses poèmes, Joséphine emploie des mots en innu-aimun qui sont de moins en moins utilisés, comme « kuapitsheu » qui signifie « puiser de l’eau », afin de les garder en vie. Même si elle considère la nature comme étant l’écrivaine et non elle-même, le regard qu’elle pose sur le monde témoigne d’une rare sensibilité que seule la poésie peut rendre.
Joséphine Bacon est l’autrice de trois recueils de poésie et récipiendaire de plusieurs prix littéraires, dont le Prix des libraires du Québec en 2019 pour son recueil Uiesh · Quelque part. Son travail appelle les jeunes générations d’Autochtones à défendre et à apprécier leurs langues et cultures. Elle enseigne l’innu-aimun depuis quarante ans[2].
[1] Bénédicte Filippi, « Le mot préféré de Joséphine Bacon », ICI Côte-Nord, en ligne, <https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1178729/mot-prefere-innu-josephine-bacon>.
[2] Vanessa Bell et Catherine Cormier-Larose, « Joséphine Bacon », dans Anthologie de la poésie actuelle des femmes au Québec, Montréal, les éditions du remue-ménage, 2021, p. 28.
Image de couverture : OPTIMISTA
Article rédigé par Mathilde Pelletier