Émilie Dagenais et Sandra Vilder, deux finissantes au baccalauréat en études est-asiatiques de l’Université de Montréal, se sont lancées dans un projet qu’elles estiment «complètement fou»: PLANCHES, un organisme à but non lucratif dont la mission première est de faire découvrir l’étendue des talents de la bande dessinée au Québec. La revue PLANCHES sera présentée trois fois par année et regroupera des œuvres inédites d’artistes tant connus qu’émergents. Un format de poche d’environ 70 pages en couleur sera en vente dans une librairie près de chez vous dès le 23 octobre, date de la soirée de lancement du premier numéro. C’est à ce moment précis que les cofondatrices «accoucheront» de leur bébé, ont-elles confié humoristiquement à l’Artichaut Magazine, qui est allé à leur rencontre.
Artichaut Magazine : Comment vous est venue l’idée de lancer une revue de type bande dessinée ?
Sandra Vilder : On se posait des questions après notre baccalauréat. On voyait que les emplois que l’on arrivait à avoir n’étaient pas nécessairement satisfaisants. J’aimais le milieu culturel, j’avais envie de travailler là-dedans. Mais je ne trouvais pas d’emploi. Donc, j’ai eu envie peu à peu de partir mon propre organisme culturel. Émilie et moi, on a alors pensé à ce qu’on pourrait faire de vraiment le «fun». Tant qu’à ne rien avoir à faire en ce moment, qu’est-ce qu’on pourrait faire comme projet qui nous tiendrait vraiment à cœur?
Émilie Dagenais : C’était un monde qui nous intéressait en général la bande dessinée et l’édition. On en a parlé et on a réalisé que si on poussait, on pourrait arriver à quelque chose. La première fois qu’on en a discuté, on était vraiment motivées. On a envoyé des courriels à des gens, le jour même, pour leur dire : «On a vraiment un projet de fou, écoutez ça!»
A.M. : Comment la revue sera-t-elle montée ?
S.D. : Il y a deux sections dans la revue. Tout d’abord, la section commande où l’on présente des bandes dessinées sous forme de chroniques thématiques. Pour le premier numéro, les thématiques abordées seront la politique, la sexologie, l’histoire de l’art et la science.
Pour ce qui est de la deuxième section, c’est une aire libre. Dans chaque article, on fait un appel de projets et on sélectionne certaines planches de bande dessinée. On a un comité de sélection pour nous aider à sélectionner. On essaie de choisir à la fois des auteurs connus et des auteurs de la relève, et de les mélanger. L’idée de cette revue c’est de faire découvrir l’étendue des talents de la bande dessinée au Québec. Par exemple, dans le premier numéro, on a 72 pages et 24 auteurs avec des styles très différents: des trucs en couleurs, d’autres en noir et blanc. C’est très différent et le but c’est vraiment de découvrir.
É.D. : Par ailleurs, à chaque numéro, on sollicite des artistes pour qu’ils conçoivent notre couverture. On essaie à chaque fois d’approcher quelqu’un avec un style assez différent pour varier les couvertures. Comme cette fois-ci, pour le premier numéro, c’est Sylvain Cabot qui a fait la couverture. On l’a approché parce qu’on aimait son style et, justement, à chaque fois, on approche quelqu’un qui a un style qui nous parle.
A.M. : Alors, si une personne s’adonne à la création de bandes dessinées dans ses temps libres et qu’elle estime avoir un certain talent, elle peut vous envoyer des planches et espérer pouvoir peut-être un jour paraître dans votre revue ?
É.D. : Oui! Si quelqu’un fait quelque chose de bon, et qu’on se dit: «Ça serait le fun que les gens puissent lire ça!» Pour chaque numéro, on fait un appel de projets et on l’envoie sur Facebook dans le but de rejoindre le plus de gens possible qui n’ont pas nécessairement déjà publié. Donc, les gens qui nous suivent le voient passer et, qu’ils soient choisis ou non, on leur envoie des commentaires.
A.M. : Comment avez-vous réussi à approcher les artistes québécois de bande dessinée pour qu’ils embarquent dans votre projet ?
É.D.: (Rires) En fait, on s’est dit : «On va aller les voir dans des salons. Ils ne pourront pas s’enfuir, on va pouvoir leur parler». Mais, à ce moment, on commençait à peine à parler du projet, alors on avait encore une idée assez vague de ce qu’on voulait faire. On espérait juste avoir leur approbation, qu’ils nous disent : «Allez-y les filles, faites-le. On va vous aider, vous supporter».
A.M. : Ont-ils aussitôt accepté de collaborer ?
S.V. : Oui! Assez massivement et assez généreusement.
É.D.: Par exemple, lors de la confection de notre maquette — un numéro zéro pour nous pratiquer et pour présenter notre projet —, on a demandé à plusieurs artistes de nous envoyer des planches de bande dessinée déjà faites. Malheureusement, on n’avait pas les moyens de payer, alors on s’imaginait que ça serait assez difficile. Finalement, au contraire, on en a tellement reçu qu’on aurait pu faire quatre numéros!
A.M. : Chaque numéro, la revue présentera un dossier spécial appelé «les dessous de la création». Comment sera-t-il présenté ?
S.V. : Ça va être un article par numéro où les lecteurs vont pouvoir voir le processus de création d’un album récemment publié. C’est sous forme d’entrevue accompagnée d’une série de clichés de l’auteur et de son studio de création. On y retrouve également les brouillons et le résultat final pour que les lecteurs voient la différence et le travail derrière tout ça.
A.M.: En août, vous avez lancé une campagne de financement via la plateforme Indiegogo dans le but d’amasser des fonds pour financer votre 1er numéro et le démarrage de votre organisme. Elle vient tout juste de se terminer, soit le 5 octobre. Cette campagne a été un franc succès. Vous avez amassé 115% du montant fixé, c’est-à-dire 23 035$ sur 20 000$ d’objectif. Vous attendiez-vous à une telle réponse du public à l’égard de votre projet ?
É.D. : Oui, on s’attendait à atteindre notre objectif! C’est le montant qu’il nous fallait pour partir le projet. Si on n’atteignait pas notre objectif, on ne voulait pas s’endetter pour commencer. C’était un mode de financement fixe, donc tout ou rien. Si on n’atteignait pas les 20 000$, l’argent des dons n’aurait tout simplement pas été pris sur les cartes de crédit des gens.
S.V. : C’est un organisme à but non lucratif au départ, mais on a essayé de voir ça dès le début comme une entreprise qui doit être viable. Donc, on s’est dit qu’on allait s’entrainer avec cette campagne à faire de la pub, à intéresser les gens. L’idée était aussi de vérifier le pouls du public. Est-ce que ça vaut vraiment la peine de le faire? Parce que, s’il y a trois personnes qui achètent la revue, ça ne vaut pas la peine de se démener pendant des mois pour la confectionner. Là, on a vu qu’il y avait un public pour nous. Et ça l’a été un moyen pour nous faire connaître aussi.
A.M. : Comment trouvez-vous que votre projet évolue jusqu’à présent ?
É.D. : Vraiment bien!
S.V. : Ça correspond à nos valeurs. Le but c’est vraiment de faire la promotion des artistes québécois. Personnellement et professionnellement, on apprend énormément. Le lancement du premier numéro sera le moment où on va enfin recevoir la preuve matérielle de notre travail.
É.D. : On va accoucher les 23, c’est vraiment ça!
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Le premier numéro de PLANCHES sera dévoilé lors de la soirée de lancement du 23 octobre dès 19h, à la salle O Patro Vys. Le site web et la page Facebook de l’organisme.
Article par Geneviève Blanchet-Émond. Étudiante au baccalauréat en journalisme à l’UQAM. Curieuse, enjouée, un peu trop expressive et passionnée de TOUT!