Michael Delisle est un auteur qui ne craint pas d’explorer en profondeur les relations, plus particulièrement celle entre un père et son fils. Habitué·e·s à un père ignoble, voire absent, les lecteur·rice·s de Delisle sont à nouveau confronté·e·s à une figure paternelle médiocre. Après ses œuvres Le Palais de la fatigue et Le feu de mon père, c’est dans Cabale que l’auteur s’intéresse aux effets de la carence affective en lien avec le géniteur. Cette fois, le protagoniste, Paul, n’est cependant pas un étudiant, mais un professeur au cégep. C’est d’ailleurs à cet endroit qu’il développe un lien de proximité avec un enseignant plus âgé qui semble en quelque sorte jouer pour lui le rôle de père. Dans cette nouvelle œuvre, on observe le rapport complexe entre deux frères et leur père, qui réapparait dans leur vie après plusieurs années de silence. Alors qu’un des frères l’accueille avec empressement, l’autre est plutôt méfiant. Les douze ans d’enseignement de Paul le rendent plutôt aigri, ce qui n’est que renforcé par la résurgence de son père, Wilfrid, dans sa vie. Alors que celui-ci essaie de reprendre contact avec ses fils, la question se pose : est-il sincère ou est-ce une autre arnaque qui ne fera qu’approfondir la blessure ? Accoutumé à un père criminel aux allers-retours en milieu carcéral incalculables, Paul est incapable d’accorder sa confiance à son père. Il trouve d’ailleurs son frère bien naïf de l’accueillir avec autant d’espoir.
L’histoire se déroule rapidement dans ce petit roman étant donné les nombreuses ellipses qui font défiler rapidement plusieurs jours, semaines, voire années. Ces sauts dans la vie de Paul font en sorte que plusieurs détails au sujet de son enfance et de son quotidien actuel sont omis. Cette œuvre expéditive rend aussi difficile de s’accrocher aux personnages des deux frères, déjà rebutants. En effet, l’un semble plutôt niais, et l’autre est rendu acariâtre par ses années d’enseignement, qui l’ont de surcroit poussé vers l’alcoolisme. Leurs personnalités opposées influencent le traitement qu’ils réservent à Wilfrid – l’un l’accueillant à bras ouverts, l’autre ne manifestant aucun intérêt. Le retour du père rend perplexe : veut-il réellement renouer avec ses garçons ? A-t-il un plan machiavélique derrière la tête ? Est-il mourant ? J’ai été déçue de ne pas avoir eu l’occasion de le découvrir. Toutefois, le sort de Wilfrid ne fait qu’accentuer la complexité du lien qu’il entretenait avec les deux hommes.
Delisle, Michael, Cabale, Trois-Rivières, Éditions du Boréal, 2023, 136p.