Écrite pour les finissant·e·s de l’École Supérieure de théâtre de l’Université du Québec à Montréal en 2020, la pièce de théâtre 37 solutions n’a malheureusement jamais été produite à cause de la pandémie. Son annulation, à seulement quelques semaines de la première représentation, a forcé les étudiant·e·s à renoncer avec tristesse à leur travail. Les éditions Leméac ont tout de même décidé de publier le scénario, signé Larry Tremblay, dans leur collection de théâtre. Et c’est une chance, parce que le texte est fascinant!
La pièce de théâtre est composée, comme son nom l’indique, de 37 courtes scènes dont la « solution » est souvent meurtrière. De quelques phrases à quelques pages, le dramaturge entraîne ses personnages dans des situations à la fois très noires et absurdes. La mort y est banalisée et, bien souvent, ridiculisée. Cette approche grotesque de la violence découle d’une volonté de l’auteur de dénoncer « le fait que la violence est de plus en plus perçue comme étant la solution la plus pratique (économique) pour régler un problème sur le plan relationnel, social, mondial[1] ». Je dois avouer que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette pièce et que c’est avec un humour un peu noir que j’ai apprécié les morts abruptes qui rythment le scénario. Les meurtres soudains et sans logique, sans jamais être graphiques, provoquent un effet de lecture plus amusant que désolant. Ce style singulier m’a surprise au début de ma lecture, mais j’ai rapidement pris goût à cette écriture concise et sans artifice. Un choix esthétique qui correspond bien au désir d’exposer l’irrationalité de la violence.
De plus, la liberté que le scénariste accorde à la manière dont ses personnages sont imaginés et joués accentue le caractère aberrant de la pièce. Tous les personnages peuvent être interchangeables puisqu’ils sont uniquement désignés selon des lettres de l’alphabet dans le scénario. La seule restriction est qu’il doit y avoir un minimum de cinq acteur·ice·s puisque cinq personnages se retrouvent simultanément dans une même scène. Cette particularité du texte m’a beaucoup intriguée puisque cela joue sur la perception des lecteur·ice·s et permet une lecture plus dynamique et active. Cela fait travailler notre imagination puisque nous devons nous construire notre propre interprétation des personnages selon les discussions qu’ils ont entre eux. L’idée est excellente et, d’un point de vue plus matériel, puisqu’aucune caractéristique physique ou indication de genre n’est proposée dans la majorité des scènes, cela permet une diversification des acteur·ice·s qui n’est pas restreinte par des codes précis. En permettant à une pluralité d’acteur·ice·s de participer à 37 solutions, cela réaffirme le constat que la violence physique est désormais une réponse universelle à tous les problèmes.
Malgré les thèmes très noirs de cette pièce de théâtre, il suffit de lire les premières lignes pour réaliser que cette œuvre s’inscrit plutôt dans l’absurde et dans l’humour que dans le drame. La lecture est amusante et j’espère profondément que la pièce pourra finalement faire l’objet d’une adaptation sur scène.
[1] Larry Tremblay, 37 solutions, Montréal, coll. « Théâtre », Leméac, 2024, p. 93.
***
Tremblay, Larry, 37 solutions, Montréal, coll. « Théâtre », Leméac, 2024, 104 p.
Article rédigé par Éloïse Huppé-Gignac