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18-05-2025 Vol 19

L’amitié à sa plénitude. Les flâneurs célestes de LAB87 à la Petite Licorne

Au premier degré, Les flâneurs célestes (traduction de David Laurin de la pièce The Aliens d’Annie Baker) peut sembler être une histoire triste traitant des soubresauts du décrochage, de la drogue et des classes sociales qui se confrontent. Mais c’est surtout une ode à l’amitié, si importante soit-elle dans la vie de chaque individu.

Crédit photographique: PL2 Studio
Crédit photographique: PL2 Studio

Aller au théâtre, c’est souvent une activité que l’on s’offre à deux pour décrocher, le temps d’une soirée, avec son amoureux ou son meilleur ami. C’est aussi un luxe auquel Kevin (Éric Robidoux) et Jasper (Mathieu Quesnel) n’auront jamais la chance d’accéder. Eux, ils s’évadent sur la terrasse arrière d’un café, discutant de Bukowski et rêvant d’un avenir meilleur.

Le spectacle, mis en scène par Jean-Simon Traversy, nous offre une chance de nous immiscer dans un univers qui nous est, pour la plupart, peu familier. Le spectateur se retrouve dans la peau du jeune Evan (Laurent Pitre) issu d’un milieu bien nanti et ne sachant pas vraiment comment agir avec des «itinérants». Assis dans notre siège au Théâtre La Licorne, on ressent le malaise d’Evan face à cette réalité qu’il ne comprend pas. Maladie mentale, routine troublante, consommation de drogue, discours confus, c’est beaucoup pour un nouveau busboy qui veut bien aider, mais surtout conserver son emploi d’été.

Jasper et Kevin ne demandent pas grand-chose, ils ne demandent pas d’argent, mais simplement une petite place sur la terrasse des employés, un lieu pour jouer de la musique ensemble, comme deux vieux chums. Ils ne cherchent pas à s’attirer la pitié du busboy du café, juste un peu de compréhension. Et, on finit par s’attacher à ces deux êtres hétéroclites qui vivent simplement. À l’inverse, Evan représente le cliché du jeune nord-américain moyen, cherchant sa place, son but, dans ce monde où le succès et l’individualisme dominent. Kevin et Jasper lui permettent alors de s’immiscer dans leur monde de simplicité, l’histoire d’un été. Ils s’intéressent à lui, l’aident à s’émanciper et à s’affirmer, mais ils lui offrent aussi une amitié sincère auquel Evan n’est pas habitué.

La mise en scène épurée de Jean-Simon Traversy colle parfaitement à l’essence de la pièce. C’est d’ailleurs principalement Mathieu Quesnel, un des acteurs, qui assure la bande sonore avec quelques compositions à la guitare. Dans un décor tout aussi simple, l’accent est mis sur la couleur particulière de chacun des acteurs. On retrouve ainsi un Éric Robidoux (Kevin) renversant nous offrant un personnage recherché et nuancé. Mathieu Quesnel (Jasper) agit comme le «papa» de la troupe : il prend soin de son ami, contient sa rage de vivre pour que Kevin soit bien avant tout. Sans éclats, il accompagne doucement l’histoire et il enveloppe les spectateurs de son amour fraternel. Le nouveau venu Laurent Pitre (Evan) est aussi impressionnant que les deux autres. Il réussit à montrer les maux internes d’une société complèxe de façon juste et efficace.

La pièce Les flâneurs célestes, nous rappelle que le don de soi vaut souvent beaucoup plus qu’un don matériel. Ce texte, à travers ses péripéties et ses personnages touchants nous permet d’avoir une nouvelle perspective sur le monde.

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La pièce Les flâneurs célestes est présentée à La Licorne jusqu’au 20 novembre. Cliquez ici pour lire un article sur une autre pièce de la compagnie LAB87, constellations, qui était présentée en février passé, toujours à la petite Licorne.

Article par Jasmine Legendre.

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