Les 11, 12 et 13 avril dernier se tenait à Montréal la deuxième édition de l’Apriliis Fest. Au-delà d’un excellent festival organisé par la jeune maison de production Broken Chord, l’Apriliis Fest est aussi la preuve du succès des tentatives de rapprochement entre diverses scènes musicales. Ce festival se tenant sur trois soirées a vu d’excellents groupes québécois, dont Milanku, Appalaches, Martlet et The Great Sabatini, se succéder sur scène, alors que de solides groupes étrangers, tels Sunrot, du New Jersey, et le trio français Féroces, sont venus leur prêter main forte. C’est avec brio que Broken Chord, en partenariat avec les salles La Vitrola et La Casa Del Popolo ont rassemblé des groupes d’horizons musicaux bien différents, allant du stoner rock, en passant du post-rock jusqu’au hardcore punk, visitant au passage le sludge et le doom metal. Découvrez nos coups de cœur de cette deuxième édition dans notre compte-rendu du festival.

Si le Québec a vu au cours des dernières décennies plusieurs scènes de musique instrumentale underground plus lourde naître et prendre de l’expansion, il peut être difficile, encore aujourd’hui, d’organiser à Montréal un festival de musique pour un sous-genre spécifique. Si la Messe-des-morts, festival montréalais dédié au black metal, célèbrera en novembre prochain sa huitième année d’existence, il n’y a pas vraiment d’autres festivals montréalais du genre pour célébrer spécifiquement le post-rock ou le hardcore punk émergent d’ici et d’ailleurs. La maison de production Broken Chord, ayant vue le jour en 2013 et se décrivant elle-même comme spécialiste de la musique «post-everything et sludge», a vu une opportunité de rassembler sur scène des groupes qui, à défaut d’être tous du même genre musical ou de genres similaires, partagent une caractéristique commune, soit cette capacité à construire, à travers des guitares saturées et lourdes, ce que les anglophones appellent parfois des soundscapes. C’est cet amour pour les « paysages sonores » enveloppants, planants, grandioses, parfois même écrasants et déstabilisants qui a amené une foule plutôt éclectique à cette deuxième édition de l’Apriliis Fest.
Des deux soirées que l’Artichaut a couvertes du festival, c’est celle du 12 avril à La Vitrola qui a fait le plus consensus entre mon photographe et moi. Cette soirée qui était plus clairement dédiée au post-rock et à la musique planante, chargée d’émotion et remplie de grandes envolées instrumentales, nous a permis de voir sur scène plusieurs groupes québécois qui, depuis plusieurs années, font vivre le post-rock montréalais. Appalaches et Milanku, vétérans de ladite scène ont su combler nos oreilles, chacun à leur manière.

Appalaches soulignait le 12 avril la dernière performance live de leur guitariste Jared. Le groupe Appalaches préférant sur leur page Facebook les termes, thumps, sounds et low sounds pour décrire la batterie, les guitares et la basse, nous a amené dans un univers rappelant montagnes, fjords et grands fleuves à travers une musique majestueuse, vibrante et profondément touchante. Avec trois guitaristes sur scène, Appalaches est réellement un groupe qui approfondit cette idée de paysage sonore, chacune des guitares ajoutant une couche à cette musique multistrate qui fait rêver. Profitons de cet article pour remercier, comme la foule a su le faire, le guitariste Jared pour sa contribution à la scène post-rock alors qu’il quitte aujourd’hui la formation.

Milanku s’est présenté sur scène aux environs de 23 h et malgré une soirée chargée de musique et décapante pour les oreilles, nous n’avons pu faire autrement qu’admirer la grande qualité du travail de composition des vétérans montréalais, mais surtout l’énergie avec laquelle le groupe a joué les pièces de son répertoire. La formation montréalaise, inspirée par l’auteur Milan Kundera, a aujourd’hui 13 ans d’existence, quatre albums et une expérience autant dans l’écriture que dans la performance qui se fait toujours autant ressentir sur scène. Le metalhead en moi est toujours autant heureux de retrouver sur scène ce groupe post-rock/post-hardcore qui me rappelle, surtout avec la voix du bassiste et chanteur Guillaume Chamberland, le défunt groupe post-metal américain ISIS. La tête d’affiche de cette deuxième soirée a donc réussi à conclure la soirée en grand avec une performance sans embûche et d’une qualité et constance qui est à l’image de la discographie du groupe; impeccable.

Soulignons au passage les sets du groupe français Féroces, en tournée pour la première fois en Amérique du Nord. Leur excellente musique, alliant post-rock, rock dépressif et hardcore punk, combiné aux projections de segments de films derrière le groupe, a certainement retenu notre attention. Le jeune trio post-rock montréalais Martlet nous a aussi beaucoup étonnés par ses compositions qui montrent déjà une belle maturité dans l’écriture, ainsi qu’une capacité à composer de la musique très cinématographique, résonante de plusieurs images dans la tête du public rassemblé devant eux.

Le soir du 13 avril, à La Vitrola, se tenait le troisième et dernier spectacle de l’édition 2019 de l’Apriliis Fest. C’est dans une ambiance plus doom metal, plus hardcore et crust punk, que durant la soirée de la veille que le groupe montréalais The Great Sabatini et leurs comparses ontariens Shallow North Dakota et Indian Handcrafts ont mené la charge. La troisième des trois soirées était celle qui comptait le moins de groupes montréalais. À leur habitude, les gars de The Great Sabatini ont livré la marchandise. Le groupe qui célèbrera cette année ses 12 ans d’existence se présente toujours sur scène avec un enthousiasme palpable et une grande énergie pour livrer sa musique aux influences variées, mais décidemment toujours bien lourde et saturée. Mention spéciale au groupe Sunrot du New Jersey qui a livré une performance puissante, construisant leur univers musical dans un sludge dépressif, très sombre, mais qui laisse malgré tout une grande place à l’exploration sonore au guitariste du groupe dans leur composition et sur scène.

En conclusion, je crois qu’il est pertinent de souligner le travail qu’a su accomplir Broken Chord avec cette deuxième édition du festival Apriliis Fest qui, au-delà des trois soirées de musique qu’il nous a offert, réussi surtout à rassembler des scènes musicales qui ont plus en commun que l’on peut l’imaginer. Espérons que ce festival aura une longue vie et qu’il permettra à plus de groupes des scènes musicales instrumentales et lourdes de Montréal de prendre leur envol.
Article par Dominique Fréchette. Codirecteur éditorial, diplômé à la maîtrise et au baccalauréat en science politique à l’Université du Québec à Montréal.