En septembre dernier, la maison d’édition montréalaise XYZ publiait le premier roman de la spécialiste de littérature comparée Myriam Ouellette. Les hôtes est le récit d’une famille nucléaire qui vit dans un appartement en ville. Il est un peu petit, Kosma et Zoé doivent partager une chambre, les bibliothèques de Paul et le grand piano de Virginie prennent trop de place, mais c’est leur foyer et il accomplit son devoir de domicile familial. Jusqu’à ce qu’il échoue en laissant une souris passer la limite de ses murs. Quatre devient alors cinq, neuf, seize, et malgré tous les efforts mis en place, le grattement de pattes griffues envahit les nuits de la famille. L’appartement n’est plus le leur.
Il y a quelque chose de poignant dans les maisons fictionnelles. Je parle des maisons qui ne sont pas juste le lieu du récit, mais qui agissent en tant que protagonistes. Ces maisons qui ont tellement de vie en elles qu’elles semblent s’animer, devenant elles-mêmes membres de la famille qu’elles abritent. Elles ressemblent à la matriarche veillant sur sa descendance, forte malgré son âge, réconfortante malgré ses angles pointus ; protectrice, sécuritaire, infiniment solide en apparence, mais réellement faillible. La maison fictionnelle est corruptible, et c’est ce qui est poignant. Il est tellement facile de détruire la stabilité d’une maison(née). Il suffit d’une petite créature, vermine aux grands yeux et au pelage soyeux, pour que chaque bruit devienne une menace. Sa simple présence, pourtant minuscule, prend toute la place dans l’esprit des adultes.
Myriam Ouellette écrit une histoire d’horreur ordinaire. Elle plonge dans les peurs communes et trop réalistes pour les mettre sur papier, surligne à gros traits l’impact psychique provoqué par de telles situations. On développe des habitudes ménagères rigides, on place des pièges dans chaque espace, on saupoudre du poison à côté de la nourriture, on ne dort plus, on ne joue plus avec les enfants. La vie, comme la mousse d’isolation, est complètement rongée. L’autrice arrive à illustrer avec précision la peur de voir son domicile, son ilot privé au milieu d’un océan public, envahi par une nature censée rester à l’extérieur. La transition entre les écritures théorique et fictionnelle est fluide et incontestablement réussie.
Ouellette, Myriam, Les hôtes, Montréal, XYZ, 2022, 197 p.
Article rédigé par Audrée Lapointe