Christian Guay-Poliquin nous amène dans un monde de neige et de survie pour son deuxième roman, Le poids de la neige, publié chez La Peuplade en 2016. Son œuvre introspective décortique les rapports entre deux personnages captifs d’un paysage blanc, mais cruel. Une atmosphère anxiogène se déploie à mesure que les jours s’enfilent sans distinction aucune.

Première de couverture
Source : site web Les libraires
Le récit se déploie à la suite du précédent roman de Christian Guay-Poliquin, Fil des kilomètres, qui raconte le voyage d’un mécanicien au travers le Canada alors que le temps est à la fin du monde : les villes sont abandonnées, la nourriture se fait rare et l’électricité est coupée.
Dans Le poids de la neige, on retrouve le mécanicien alors qu’il éprouve une douleur immense causée par un accident de voiture. Il est enfermé dans une véranda avec Matthias, un vieil homme récemment arrivé au village. Un pacte a été conclu entre les habitants du village et Matthias : il devra s’occuper du mécanicien et il pourra ensuite partir avec le premier convoi qui se rendra en ville, où sa femme se trouve.
Les deux hommes devront donc cohabiter durant l’hiver. Le récit tourne autour de cette étrange situation. Une relation de méfiance et d’interdépendance se développe alors qu’ils vivent en huis clos lequel est parfois entrecoupé de visites de Jonas, de Joseph et de Maria qui viendront porter des vivres et s’assurer de la guérison du narrateur.
« Ne t’inquiète pas. Je resterai là, je prendrai soin de toi. Tout ira bien. Ne t’inquiète pas, je ferai semblant. Il n’y a pas dix mille façons de survivre. » (p. 61)
Leur univers (et le roman) est rythmé par le nombre de centimètres de neige, le feu qui crépite et le pain noir accompagné d’une soupe. On sent le désarroi des personnages tandis que les tempêtes n’en finissent plus. Le « poids de la neige » se fait ressentir, le narrateur est tenu prisonnier de ses jambes blessées ainsi que de l’hiver. Il passe son temps à scruter le paysage : la neige, la forêt, le village et les traces de pas. Maria, la vétérinaire, représente une source de joie dans le froid noir de ses jours.
Les vies du narrateur et de Matthias sont en arrêt, et la fin de l’hiver est synonyme d’une mouvance possible pour eux. Ils devront cependant survivre. Ce thriller immobile plonge les personnages dans leurs instincts de survie. Les plus forts sont terrés et prêts à tuer. Les plus faibles meurent ou s’en sortent par miracle. Une guerre de pouvoir sur les lieux et le temps éclate entre Matthias et le narrateur, alors que celui-ci est presque guéri. Or, chacun se tient sur un fil tandis que l’âge ou les blessures les menacent.
« Tu vas mieux. Tu parles et tu te déplaces. Mais rien n’a changé. Ici, c’est moi qui décide. Tu as compris ? Ici, tu fais ce que je te dis. »
Le mythe d’Icare découpe le livre en sept sections et représente une métaphore du récit de Christian Guay-Poliquin. Le personnage principal, qui est lui aussi pris dans un endroit à l’issue impossible, pourra rêver de liberté alors que ses jambes se rétablissent et que la neige se transforme en eau. Pourtant, on perçoit les dangers qui le guettent dans ses espoirs.
« Autour de moi, les ténèbres rôdent. La nuit a faim. Et les flocons sont carnivores. » (p. 242)
Le livre se construit par une attention particulière aux détails du décor, du paysage et des gens. Les actions sont calculées et l’auteur nous touche par un récit juste et sans artifices. Le poids de la neige est un chant douloureux, mais poétique sur l’hiver québécois. Un troisième roman de Christian Guay-Poliquin nous dévoilera peut-être la suite du périple du mécanicien !
Christian Guay-Poliquin, Le poids de la neige, Chicoutimi, La Peuplade, 2016, 296 pages.
Article par Florence Dancause.