J’ai assisté à une soirée sous le thème du mauve beaucoup plus colorée que son titre ne l’indique. Dans la salle le Ring des Écuries, aucune estrade ou place bien rangée, mais des fauteuils, des petites scènes et des places à même le sol sont destinés aux spectateurs qui sont encouragés à changer de place tout au long de la soirée. Dans la programmation du OFFTA, Soirée qui goûte le mauve présentait théâtre, performance et chorégraphie d’une relève artistique triée sur le volet par la directrice artistique de Zone Homa, Mélissa Larivière.
La soirée s’ouvre sur la lecture d’un poème d’amour par la jeune Alexa-Jeanne Dubé qui se fait simultanément tatouer la main. La prestation m’a permis d’entamer une réflexion sur le fait que, peut-être, à l’époque actuelle, pour poétiser l’amour sans tomber dans l’eau de rose, il faille un peu de trash, comme se faire tatouer sur la main peut-être, ainsi qu’un peu de kitsch, comme des déclarations d’amour sincères, sans délires ni envolées romanesques.
La prestation suivante s’ouvre sur la déclaration d’une liste d’objets du quotidien comportant la couleur mauve. De ces objets, les deux interprètes, Florence Blain Mbaye et André-Luc Tessier, ont imaginé une histoire qu’ils ont racontée, tout en utilisant les objets comme accessoires. La fin arrive tout d’un coup, sans préambule. Le personnage ne répond plus à ses appels et personne ne saura jamais pourquoi.
La troisième performance est le 5 à 7 tout nu tout cru, qui avait déjà été présenté dans le cadre de l’évènement Danse Buissonnière 2013 de Tangente. Cette fois-ci, la version est écourtée avec, comme interprète masculin, Sébastien Provencher. Ce dernier possède un juste sens du comique sans fioritures ni exagération qui permet au public d’apprécier sa présence sur scène. À nouveau, la fin arrive rapidement, comme si l’interprète féminine (Claudia Chan Tak) n’avait pas eu le temps, contrairement à Sébastien Provencher avant elle, de se déshabiller complètement. L’impression laissée aux spectateurs est que les techniciens ont arrêté la musique et éteint la lumière trop tôt.
La quatrième prestation artistique de la soirée qui goûte le mauve interroge, volontairement ou non, la provenance des informations que l’on nous transmet, par les formes du documentaire, sur une communauté éloignée et ses conventions. Les prouesses vocales de Gabriel Dharmoo sont impressionnantes et ses interprétations des rituels de cette communauté primitive complètement imaginaire étaient si précises que tout ce cinéma pouvait se donner pour vrai.
C’est le moment de la soirée où la chanson Purple Rain de Prince jouait pour la dixième fois ou plus. Entre chaque performance, cette chanson revenait continuellement et en boucle. C’est également à ce moment que des spectateurs on fait part du fait qu’ils finiraient probablement par vomir de la purple rain…
Les trois dernières performances de la soirée constituent, en premier lieu, un monologue d’une petite fille (Marianne Dansereau) enfin libérée de derrière une pancarte de grosse douceur. Ensuite, il y a une courte scène théâtrale anglophone, création d’Alexandre Morin, qui se joue entre une chorégraphie de bataille moderne assez traditionnelle et du théâtre semi-expérimental qui s’enchaînent sans trop de cohérence. Il y a beaucoup d’intensité pour le simple fait de faire intense.
http://www.youtube.com/watch?v=Em0mJumrlUI
Le goût doux-amer du mauve
Après cette dernière présentation, on prend un temps fou pour ramasser le gâteau d’anniversaire et l’assiette qui se sont fait massacrer pendant cette courte prestation. Avant ce point, j’étais bien contente d’assister à une soirée qui faisait les changements de scénographie très rapidement. Pourquoi ne pas avoir mis cette présentation juste avant l’entracte pour éviter les longueurs?
Par ailleurs, la court énoncé du spectacle dans l’opuscule décrit très mal la dernière prestation de Soirée qui goûte le mauve. En effet, la description emploie de beaux et grands mots qui, lorsque l’on s’y attarde un peu, ne signifient que quelque chose de très large et flou. Marlène Renaud-B. nous parle des espaces liminaux révélant les dynamiques sous-jacentes, constitutives et poétiques de la relation de soi au monde. Il était donc difficile de comprendre la signification des nombreux seaux contenant de petites roches que l’interprète se verse sur la tête l’un après l’autre. Voir la performance dans sa totalité aurait pu aider la compréhension du public. Malheureusement, l’équipe technique de la soirée a interrompu la performance au moment où, après avoir déversé tous les seaux de roches et créé une ambiance poussiéreuse un peu dérangeante, elle sort un ventilateur. On lui demande alors, toujours pendant sa prestation, de ne pas allumer le ventilateur, qui visiblement était un élément prévu dans sa présentation. L’artiste est forcée de sortir de scène sans l’avoir pu terminer sa performance, ce qui semblait évidemment lui déplaire.
Si l’équipe technique n’avait pas prévu ce qui devait se passer au sein de ce numéro, pourquoi avoir accepté de le présenter? Je considère que d’interrompre un artiste au milieu de sa prestation est un manque de respect et de professionnalisme. Cela aurait manifestement pu être évité. La soirée a peut-être très bien débuté, mais elle aurait certainement pu mieux se terminer.
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Soirée qui goûte le mauve était présenté le 28 mai 2014 à 20h00 au Théâtre aux Écuries, dans le cadre du festival OFFTA.
Article par Anne-Marie Santerre.