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17-04-2025 Vol 19

Petite brindille de catastrophes de Mimi Haddam. Une voix cassante ou comment répondre à la rupture

La poète Mimi Haddam lançait récemment son tout premier recueil de poésie, Petite brindille de catastrophes, aux éditions de la Tournure. Les poèmes se trouvent entre la douceur et la violence des mots, comme le suggère le titre. Mimi Haddam nous révèle comment penser – ou panser – les blessures.

Première de couverture par Ariane Leblanc
Source : éditions de la Tournure

Divisé en cinq parties, le recueil aborde les rapports conflictuels qu’entretient la poète avec la nourriture ou avec les autres – de l’amant, nommé le Grand, aux membres de sa famille – toujours dans un désir de réappropriation du corps, et surtout, de la voix: «J’avais complètement perdu la parole quand on a commencé à m’entendre.» (p. 35) Le projet d’écriture de Mimi Haddam, qu’elle explique dans sa préface, pourrait se résumer ainsi: s’écrire pour se réinventer après une rupture.

La première partie du recueil, dont la forme diverge des autres sections (des fragments enchaînés les uns à la suite des autres, retranchés par des phrases incises, mises en italique), aborde la relation complexe que la poète entretient avec son corps à la suite à sa rupture avec le Grand.

Illustration d’Ariane Leblanc
Source: éditions de la Tournure

Les trois parties suivantes, bien que toutes empreintes d’une certaine corporalité, délaissent le rapport avec la nourriture (malgré que s’y inscrive un champ lexical de déglutition) pour se pencher vers des thématiques différentes comme celle du désamour, de l’enfance et de la féminité. «Comment retrouver un corps» met l’accent sur le rapport à la spatialité. Le corps est lui-même un lieu marqué par la désertion du Grand qui quitte la chambre pour aller vers d’autres filles : «Il éjacule une dernière fois. […] Je prends la forme de la chambre.» (p. 31)

Illustration d’Ariane Leblanc. Source: éditions de la Tournure

Au cœur de la thématique de l’enfance subsiste la marque indélébile laissée par le père: «La peur est cette jonction entre toi et moi. […] Tu es les clous, je suis l’étagère».  (p. 50) L’existence devant ce dernier se fait dans le mutisme, dans l’effacement, car «il faut s’enfouir sous les tapisseries pour exister.» (p. 35)

«Devant les autres hommes, le corps se défait» (p. 59) : c’est ainsi que s’ouvre «Comment devenir femme». Cette partie met en scène la relation de la poète avec les hommes qu’elle fréquente, mais aussi avec son propre corps: «Je porte sur le dos un semblant de vos chairs sur celle que j’ai égarée quelque part entre vos sexes.» (p. 67)

Illustration d’Ariane Leblanc
Source: éditions de la Tournure

Si la première partie ouvrait sur le rapport à la nourriture, cette dernière tente de refermer les brèches: «Sans crainte devant le trop-plein qui m’écrasait jadis, j’accepte les rondeurs des cuisses, mets les chagrins en coffres.» (p. 94) Certaines brèches demeurent toutefois ouvertes, sans jamais être refermées, ce qui laisse le lectorat sur sa faim.

Petite brindille de catastrophes est un cri murmuré, qui atteste néanmoins d’une volonté de reprendre le contrôle  sur sa voix et son corps – par tous les moyens possibles. Doublée par les images d’Ariane Leblanc, qui témoignent d’une réelle compréhension du texte, la justesse des mots de Mimi Haddam ainsi que sa sensibilité rendent la lecture touchante. Par les nombreuses allusions au corps qui se mue, les lecteurs et lectrices se trouvent charmé.es par cette lecture très sensorielle.

Mimi Haddam, Petite brindille de catastrophes, Montréal, Les éditions de la Tournure, 2017, 102 pages.

Article par Megane Sauvé.

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