Marie-Jeanne Bérard nous plonge au cœur d’une tout autre réalité dans son roman La grande noyée. L’autrice nous invite à explorer la figure de la sirène à travers un récit intriguant. Publié aux éditions Tête première, celui-ci possède sans grande surprise un ton à la fois féministe et militant.
C’est ainsi que nous entrons dans le récit de la narratrice, Sylvette. Celle-ci raconte une histoire, mais pas n’importe laquelle. Alors que Merwen, son fils, est disparu depuis peu, Sylvette prend la décision de lui révéler toute la vérité en ce qui concerne son existence. Elle s’adresse donc à son fils décédé par l’entremise de sa narration. Lentement, elle reconstruit le fil de l’histoire , remet en place les souvenirs et aligne les péripéties jusqu’à la noyage de Merwen, dont le corps a disparu dans la mer Celtique.
Le roman se déplace sans cesse sur la ligne du temps. Sylvette nous raconte son histoire en deux temps : en revenant trois jours en arrière pour expliquer la disparition de son fils et en explorant son propre passé depuis sa rencontre avec Marie-Morgan, la morganez, 66 ans plus tôt. Alors que Sylvette dévoile des détails au compte-goutte, nous comprenons pourquoi trois jours plus tôt elle est inexplicablement attirée, voire appelée, par la mer. Elle y découvre un corps de femme qui ne peut être que la morganez. Marie-Morgan représente la figure millénaire de la sirène. À partir de ce moment clé, le récit se bâtit lentement, nous entrainant à travers les diverses facettes de la figure mythique de la sirène. À l’aide de Sylvette, nous passons en revue les différentes fables qui mettent en scène des sirènes. Nous cherchons un point commun entre elles toutes, réponse sur laquelle la narratrice mettra le doigt en analysant les légendes d’un peu partout autour du monde.
Marie-Jeanne Bérard nous offre un récit profond dans lequel elle nous trouble sans cesse. Au fil des révélations, nous nous approchons d’un dénouement qui nous laisse sans voix. L’autrice a une plume très descriptive. Elle prend le temps de s’arrêter à chaque détail. On sent que tout a été réfléchi et qu’il y a énormément de recherche derrière ce roman. En plus de ce travail de fouille mythique minutieux, l’autrice nous offre un roman au langage soutenu et aux élans poétiques.
Bérard, Marie-Jeanne, La grande noyée, Montréal, Tête première, 2024, 100 p.