Le 19 février dernier, le groupe Thee Silver Mount Zion a donné un concert au Cabaret la Tulipe. Ma critique vient un peu tard, mais palliera le peu de couverture médiatique offerte au spectacle.
Groupe dirigé par Efrim Menuck, l’un des fondateur de Godspeed You! Black Emperor, Thee Silver Mount Zion constitue l’un des piliers de la scène post-rock montréalaise, scène qui a eu une influence déterminante sur le développement de la musique à Montréal au cours des années 90 et 2000.
Rock is dead, isn’t it?
Il va sans dire qu’en me dirigeant vers le concert, j’étais très enthousiaste à l’idée d’y voir des musiciens d’aussi grande envergure. En même temps, je m’attendais à pénétrer dans l’univers propre et douillet des musiciens de carrières, où le professionnalisme fait flèche de tout bois, où la subversion rock est une option trop couteuse pour être réellement exploitée.
Dernièrement, j’ai de plus en plus difficile de difficulté à être surpris par un spectacle rock. Peut-être est-ce seulement dû au fait d’en avoir vu beaucoup (trop?)… En fait, je ne crois pas être désensibilisé à ce point. De nos jours, tout est si bien classé, critiqué, managé, mis en marché… Même les musiques les plus expérimentales ont leurs petites classes à part, leurs petites catégories bien définies qui orientent le public, lui évitant de trop fortes surprises.
Vraiment?
Bien entendu, Thee Silver Mount Zion n’échappe pas aux catégories. Il s’agit d’un groupe de post-rock bien classique, groupe qui de surcroit occupe une belle position autant sur la scène Montréalaise qu’au niveau international. Sans surprise, le groupe a balancé ses nappes de guitares et de violons avec l’assurance de musiciens ayant roulés leur bosse un peu partout sur Terre. Cependant, au-delà du grand professionnalisme du groupe, j’ai été surpris de constater que celui-ci a su conserver son pouvoir de subversion, et ce, au-delà de l’enchainement des concerts et des albums, au-delà de la consécration du post-rock comme style musical d’importance.
Bien entendu, le post-rock résiste par définition à toute marchandisation excessive, et peut même, surtout dans le cas qui m’intéresse ici, incarner un anti-capitalisme fort. Pièces trop longues, trop sombres, trop engagés, trop inégales, trop répétitives… Un ensemble de trop qui rend cette musique difficile, qui fait en sorte de la garder en marge des médias de masse.
Peut-être pas finalement
Mais, au-delà de cela, c’est la simplicité du spectacle, ainsi que la charge politique de son propos qui m’ont surpris. Sans fla fla, sans prétention, le spectacle était d’une simplicité désarmante : des éclairages tout simples – un peu de bleu, un peu de rouge, sans plus -, des musiciens ne cherchant pas à en mettre plein la vue, mais interprétant leurs pièces avec profondeur, avec une volonté réelle de communiquer avec le public, une performance musicale honnête et profonde. Un seul artéfact improbable ne semblait d’emblée avoir aucune utilité dans cette performance musicale : un portrait de Stephen Harper placé à l’envers sur scène.
Crédit: Abbey Braden
Pourquoi Stephen? Entre les pièces, le chanteur Efrim Menuck demandait si les gens du public avaient des questions à lui poser (pas très conventionnel comme façon d’animer un spectacle). Et cette question fatidique qui a finie par surgir : pourquoi Stephen? Et Menuck de répondre quelque chose comme : « Nous [le groupe] ne croyons pas tellement au vaudou et ces genres de trucs où l’on pique une poupée avec des épingles. Mais nous espérons sincèrement que de mettre le portrait de Stephen Harper la tête en-bas sur scène lors de nos spectacles va peut-être faire mourir notre Premier Ministre. » Réponse certes surprenante, voire déconcertante, surtout à une époque où le rock se retire plus souvent qu’autrement de toute forme d’engagement politique, préférant la marchandisation à la provocation.
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Thee Silver Mount Zion a eu lieu le 19 février 2012 au Cabaret la Tulipe.
Article par Gabriel Vignola. Il aime le gros son, mais aussi la délicatesse… Le verre ciselé par l’orfèvre… Il aime qu’on se lance, qu’on s’attrape et qu’on s’arrête, devant une toile, un livre ou un panneau de signalisation.