L’alcoolisme peut faire des ravages. Non seulement ce trouble a des effets néfastes sur le corps, mais il peut également avoir d’énormes répercussions sur la vie sociale d’un individu. C’est exactement ce qu’illustre le nouveau roman de Marc-André Dufour-Labbé.
La soif que j’ai, publié chez Cheval d’août en mars dernier, met en scène un père de famille monoparentale aux prises avec un trouble de consommation. Ayant perdu sa femme dans un tragique accident, Éric Boucher élève seul sa fille d’un an. Toutefois, il ne peut tout simplement pas se résoudre à affronter cette nouvelle vie en étant sobre. Ce sentiment de culpabilité qui lui pèse sur les épaules, ce deuil qui l’étouffe, ce rôle de père qui l’angoisse, c’est trop. Sans sa flasque, sa bouteille de fort ou sa bière de fin d’après-midi, son quotidien est insoutenable. Au fil du récit, le protagoniste s’empêtre dans ses déboires : il travaille dans un concessionnaire automobile – où il ne s’empêche pas de boire – et il arrondit ses fins de mois en vendant des substances illicites dans un centre pour personnes âgées. Lorsqu’il passe près de commettre l’irréparable, Éric comprend qu’il doit une fois pour toutes reprendre le contrôle de sa vie. Ayant mis la vie de sa fille en jeu, devant plusieurs témoins, il est coincé. Il comprend qu’il doit absolument changer ses habitudes s’il ne veut pas poser un geste qu’il regrettera jusqu’à la fin de ses jours. Pour cela, il devra se permettre de pardonner et se résoudre à aller chercher de l’aide.
Marc-André Dufour-Labbé, employé dans un centre d’aide pour hommes en difficulté de l’Estrie, dépeint parfaitement l’état de détresse du protagoniste. L’auteur nous fait comprendre que, malgré ses torts, il reste humain. Nous remarquons qu’Éric a un bon fond, mais qu’il a été malmené par la vie. L’alcool et la marijuana sont les bouées qui lui permettent de garder la tête hors de l’eau. Après tout, n’ayant eu pour modèle que violence et consommation, comment faire autrement ? C’est pour cette raison qu’il continue à avoir de mauvaises habitudes, même après les nouvelles responsabilités entrainées par le décès de sa conjointe. Les substances adoucissent sa réalité.
Éric n’est pas un père exemplaire, bien que nous sentions qu’il aime Flavie plus que tout. Il conduit sans cesse gelé ou en état d’ébriété, cache de l’alcool un peu partout – même dans les biberons – et dédaigne les rencontres avec sa travailleuse sociale. Pourtant, on sent qu’il est tout de même un père dévoué. Cette ambivalence est habilement décrite par l’auteur et nous permet de garder espoir en l’avenir du protagoniste. Tout bien considéré, quelques événements lui donnent la motivation d’arrêter de boire. Mais comme nous le savons si bien, c’est plus facile à dire qu’à faire. Après tout, ce trouble est ici transmis de génération en génération, la génétique expliquant environ la moitié des risques d’acquérir une dépendance à l’alcool[1]. Il faut beaucoup de courage et de détermination pour oser faire autrement que ce qu’on a toujours connu.
[1] Éduc Alcool, Quelle part a la génétique dans la façon dont notre corps gère l’alcool et ses en effets?, [En ligne], https://www.educalcool.qc.ca/informer/sante-bien-etre/effets-corps-particularites-individuelles/quelle-part-a-la-genetique-dans-la-facon-dont-notre-corps-gere-lalcool-et-ses-effets/#:~:text=En%20ce%20qui%20concerne%20le,%2C%20expliquent%20l’autre%2050%20%25 (page consultée le 5 avril 2024).
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Dufour-Labbé, Marc-André, La soif que j’ai, Montréal, Cheval d’août, 2024, 208 p.
Éduc Alcool, Quelle part a la génétique dans la façon dont notre corps gère l’alcool et ses en effets?, [En ligne], https://www.educalcool.qc.ca/informer/sante-bien-etre/effets-corps-particularites-individuelles/quelle-part-a-la-genetique-dans-la-facon-dont-notre-corps-gere-lalcool-et-ses-effets/#:~:text=En%20ce%20qui%20concerne%20le,%2C%20expliquent%20l’autre%2050%20%25 (page consultée le 5 avril 2024).