En octobre 2020, alors que le monde entier est chamboulé par la COVID-19, Guillaume Morrissette publie une première version du roman Quand je parle aux morts chez Saint-Jean Éditeur. Bien que tous·tes tentent alors de trouver un équilibre dans cette réalité loin de leur quotidien habituel, les œuvres québécoises connaissent une certaine popularité. À ce moment, celle de Guillaume Morrissette, auteur réputé pour ses romans policiers, est chaudement accueillie par la critique. Il n’est donc pas surprenant de voir paraitre une nouvelle édition en janvier 2024.
Ce thriller psychologique est tout à fait hors de l’ordinaire puisqu’il propose un mélange savant d’ésotérisme et de roman policier. Au même rythme que la protagoniste, Morgane, les lecteur·ice·s tentent de mettre l’histoire au clair. Cela n’est pas chose facile puisque le roman oscille sans cesse entre le passé et le présent, entre l’enquête sur un crime et le récit personnel des personnages. Heureusement, une ligne du temps aide les lecteur·ice·s à s’orienter en indiquant s’il s’agit d’un flashback ou en permettant de se situer dans le temps par rapport au crime. Plusieurs petits récits s’entremêlent dans le roman. D’une part, nous rencontrons Morgane, thérapeute spirituelle qui est en mesure de voir l’âme des personnes décédées et d’entrer en communication avec elles. Celle-ci voit des personnes qui sont invisibles aux yeux des autres. En offrant des séances, elle permet à des proches de compléter leur deuil et de passer à autre chose, souvent à la suite d’explications ou d’excuses de la part de la personne décédée. D’autre part, nous retrouvons Sylvain, un homme perturbé par le déclin de la santé de sa mère. Il combat sans cesse pour faire valoir que celle-ci, atteinte d’une maladie dégénérative s’apparentant à l’Alzheimer, aurait voulu qu’on abrège ses souffrances, ce que tout le monde lui refuse. Ce débat entourant l’aide médicale à mourir est crucial au sein du roman. L’auteur illustre les points de vue divergents autour de ce sujet sensible. L’histoire démontre surtout l’immense impact que peut avoir le recours, ou l’absence de recours, autant chez les patient·e·s atteint·e·s de démence que chez leurs proches. Surtout, elle établit la difficulté de prendre position dans ce débat lorsqu’il est question de patient·e·s qui perdent leur autonomie et qui ne sont plus conscient·e·s du monde qui les entoure.
Le roman se présente sur un ton mystérieux qui nous fait tourner les pages rapidement dans l’espoir de trouver des réponses. Tout au long de la lecture, nous avons l’impression qu’il y a anguille sous roche, un non-dit qui nous permettrait de mieux comprendre. De multiples retournements de situation font en sorte qu’il est impossible de savoir vers où se dirige le dénouement. La double narration, échangée entre Morgane et Sylvain, permet d’ailleurs de faire durer le suspense en étirant l’histoire. Il nous faut un petit moment pour bien saisir ce qui reliera à jamais la vie de ces deux personnages.
En somme, ce thriller psychologique permet de bien prendre conscience des enjeux entourant l’accessibilité à l’aide médicale à mourir et de nous faire réfléchir à notre propre position dans ce débat.
Morrissette, Guillaume, Quand je parle aux morts, Laval, Saint-Jean Éditeur, 2024, 544p.