« L’intrigue et la structure se dressent comme deux droites d’apparence parallèle qui se resserrent graduellement vers un point de fuite[1]. »
Léa Arthemise épate la galerie avec sa troisième œuvre Un grondement féroce. Après avoir publié Flémingyte aiguë en 2011 et Question de géométrie en 2016, elle se lance maintenant dans un nouveau genre de récit, qui entremêle événements historiques et personnages fictifs. Au fil de ses romans, l’autrice conserve toutefois un style d’écriture bien à elle. En effet, Léa Arthemise sait jouer avec le fil narratologique comme personne d’autre. Elle enchevêtre plusieurs réalités, espaces-temps et personnages dans un même récit sans jamais lui faire perdre sa logique.
Dans Un grondement féroce, le récit est confié aux lecteur·rice·s par une narratrice homodiégétique. Celle-ci, sans jamais révéler ouvertement son identité, raconte l’histoire de la disparition de son amie Mia Clark, une autrice mystérieuse dont le roman a connu énormément de succès. Dès lors apparaissent quatre récits enchâssés : celui de la narratrice, qui dévoile les informations concernant la disparition; celui de Mia avant qu’elle ne se volatilise près du viaduc Rosemont-Van Horne; celui du roman de Mia, qui met en scène un personnage qui œuvre sur les chemins de fer au 19e siècle; et celui de William Van Horne, véritable pionnier du transport ferroviaire au 19e siècle. Le titre de l’œuvre se retrouve d’ailleurs dans chacun de ces récits, représentant à la fois le vacarme des trains et le titre du roman à succès publié par Mia Clark.
Le roman est composé de petits chapitres qui donnent un rythme rapide à l’histoire. Les vies de Mia et de William sont sans cesse entrecroisées. Cela incite les lecteur·rice·s à se demander pourquoi deux personnages ayant vécu à plus de 200 ans d’intervalle se retrouvent au sein d’une même histoire. Le tout devient d’autant plus confus lorsque la narratrice avoue être une très bonne menteuse. Elle devient dès lors une narratrice non fiable, les lecteur·rice·s étant dans l’incapacité de déterminer si les faits révélés sont vrais ou faux. L’entrelacement de la vie réelle de William Van Horne et des vies fictives des personnages s’ajoute à cette confusion. Au fil du roman, les récits s’imbriquent de plus en plus les uns dans les autres, poussant les lecteur·rice·s à se questionner sur ce qui est réel parmi les nombreux faits historiques soulevés et ce qui est de la pure fiction. Le dénouement permet toutefois d’élucider le tout et montre à quel point Léa Arthemise a habilement construit son roman.
Bref, l’autrice offre un nouveau roman de disparition dont la perspective diffère des autres œuvres de ce genre. L’histoire est effectivement construite d’ellipses qui permettent de multiples allers-retours dans le temps afin de démystifier la disparition de Mia Clark.
[1] Léa Arthemise, Un grondement féroce, Montréal, Héliotrope, 2023, p. 57.
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Arthemise, Léa, Un grondement féroce, Montréal, Héliotrope, 2023, 228 p.