Pour débuter sa saison hiver-printemps dans ses tout nouveaux locaux de l’édifice Wilder Espace danse, Tangente présentait Re-conter l’Afrique, un triptyque chorégraphique composé de Ghislaine Doté, ‘Funmi Adewole et Alesandra Seutin.
C’est lors d’un projet d’échange chorégraphique entre le Québec et le Royaume-Uni, amorcé par Ghislaine Doté, que naît ce trio londonien. Le but était ici de travailler sur le thème de la peau noire, de l’histoire noire, afin que chacune des interprètes puisse monter un solo unique, qui parle de leur histoire personnelle et montre l’étendue de leurs multiples talents. Re-conter l’Afrique a alors pu mettre en lumière les fortes personnalités de ces trois femmes durant trois jours, à Montréal.
Skin Box : un conte de fée léger pour une réelle prise de conscience.
À travers son histoire personnelle et ses questionnements, Ghislaine Doté nous interroge directement sur les questions identitaires et ethniques : « De quelle manière la couleur de notre peau contribue-t-elle à influencer notre perception de l’autre ? »
L’artiste multidisciplinaire nous emporte dans son quotidien, de façon légère en évoquant les contes de fées, tout en soulevant un débat et en donnant son point de vue singulier. Chanteuse, danseuse et actrice, la créatrice a plus d’un tour dans son sac pour dévoiler sa véritable nature, son instinct artistique et ses convictions. C’est durant son baccalauréat en danse contemporaine à l’UQAM que Doté entame ses propres créations, au sein desquelles elle veut « sortir du moule ». Elle découvre alors que c’est son instinct artistique qui guide ses envies, qu’on les nomme « contemporaines » ou non. Dans cette dernière création, elle souhaite réconcilier le théâtre musical, la danse contemporaine et la nouvelle danse africaine et cherche à montrer une certaine utopie de l’universalisme. Son but, en tant que créatrice, est de trouver l’inconscient collectif afin d’émouvoir, d’identifier et de « retrouver la connexion ensemble en mouvement ».
Humaniste avant tout, Ghislaine Doté nous livre ici une performance expressionniste où une certaine intimité permet au public d’entrer dans son univers et de se questionner.
The Sleepwalker : Sans repères.
Dans sa pièce, ‘Funmi Adewole évoque la perte de repères. « Où est mon chez-moi ? », est la question suggérée durant toute la performance. L’artiste nous prend la main pour nous dévoiler toute la richesse de sa vie, mais aussi toutes les difficultés identitaires qu’elle a eu à surmonter. Intriguée par sa propre existence, mais aussi par ses racines profondes, la créatrice remonte le temps à travers ses jeux d’enfants qu’elle a vécu petite et amène le public à ressentir ce qu’elle a elle-même enduré. Perdue entre la mémoire, les souvenirs et les rêves, l’artiste déambule entre le présent et le passé pour se questionner sur son cheminement de vie. Entre rire et larmes, la pièce The Sleepwalker dévoile tout le talent multidisciplinaire de l’artiste ainsi que son intime sensibilité.

Crédit photographique: David Wilson Clarke
‘Funmi Adewole est une artiste au parcours intéressant qui a débuté en journalisme, pour finalement se tourner vers le théâtre, le chant et ensuite la poésie performative et la danse. Elle développe par la suite ses compétences au sein des compagnies pour qui elle travaille. Elle se définit comme provenant du théâtre physique, ce qui explique sa passion pour raconter des histoires. En tant que créatrice, elle considère que nous construisons nos vies selon d’où on vient, et c’est cette démarche qu’elle explore dans ses propres pièces.
Ceci n’est pas noire : Révolte bien menée sur l’identité noire.
Alesandra Seutin décide d’utiliser la danse, le théâtre corporel et la discussion pour transporter son public dans le récit de femmes Afro-européennes. Désireuse d’évoquer le sujet complexe de l’identité, la chorégraphe-interprète incarne, tour à tour, quatre personnages nés de différents univers : une danseuse de club, une personnalité politique, une chanteuse de reggae dancehall et elle-même. Avec humour, subtilité et une justesse théâtrale, la créatrice combine les différentes influences de sa vie et les met en jeux, en mots, en masques, afin de toujours surprendre le public et le tenir en alerte. Pour raconter cette histoire contemporaine, l’artiste se base sur les danses traditionnelles et rituelles.

Crédit photographique: Camilla Greenwell
Née dans une maison dansante, Seutin n’a jamais étudié le théâtre, ni le chant. Plus tard, elle prendra des cours de danse jazz, classique, hip-hop, puis par la suite, des cours de danses contemporaines. Elle découvre ensuite la richesse de la danse africaine, et parallèlement, commence à chanter. Elle aime raconter des histoires, jouer des personnages et cela la nourrit pour ses créations. Pour l’artiste, la danse contemporaine est simplement une danse du présent où « l’artiste parle d’aujourd’hui ». De façon plus personnelle, elle évoque sa façon de créer, à savoir : fabriquer des gens qui la dérangent, qui la touchent, afin de s’en imprégner. Alesandra Seutin voit la danse comme un parti politique. Elle veut, par ses créations, faire passer des messages, faire ressentir des émotions. Pour elle, chaque artiste est amené à « percuter l’espace » avec ce qu’il a à l’intérieur de lui.
Tangente présentait Re-conter l’Afrique avec les chorégraphes Ghislaine Doté, ‘Funmi Adewole et Alesandra Seutin, à l’Edifice Wilder Espace danse, du 2 au 5 mars 2017, suivi d’un échange avec les artistes le 3 mars.
Article par Léa Villalba.