Rhino : là où se rencontrent Charlie Chaplin, Tim Burton, la tragédie gréco-romaine, Pina Bausch, Ionesco et j’en passe…
Out Innerspace travaille avec la singularité de ses effets de surprise, point clé de son travail que le public constate par les jeux de lumière faisant apparaître et disparaître des danseurs dans la noirceur avec une pléthore d’accessoires loufoques, que ce soit une coquerelle ou une corne de rhinocéros. L’œil est rapidement intrigué par la narration qui se déroule sur la scène. À l’intersection du théâtre et de la danse, de réels tableaux vivants se déploient et défilent l’un après l’autre sur le sol de l’Agora. Un personnage bien distinct s’incarne chez chacun des 7 danseurs de la compagnie : un gladiateur, un corbeau, un squelette et d’autres créatures aux couleurs farfelues surprennent par leur qualité de mouvement bien propre à elles. Le public sent qu’une recherche esthétique profonde a mené à l’émergence de chaque texture de mouvement. L’univers de Rhino se démarque par son usage ingénieux de la lumière, sculptant l’espace en pyramide ou en arène fluide, marié à une atmosphère musicale tantôt comique, tantôt viscérale. Puis il y a le silence, parfois, pour un court instant, d’une puissance qui en fait perdre les mots.
Une véritable histoire se dessine devant les spectateur·ice·s sans l’usage des mots : c’est le mouvement et la scénographie flamboyante, pourtant simple, qui travaillent de pair pour dialoguer avec le public. La naissance de chaque tableau fait émerger avec elle la même question chaque fois: où les danseurs nous emmèneront-ils? L’audience reste cramponnée à son siège, toujours dans l’anticipation de la prochaine proposition. D’un univers explosif à doux, puis intime, puis presque lugubre, c’est toute une palette d’émotions offerte à un public qui peine à les recevoir tout en tentant de tisser du sens de la narration qui se trace au fil du spectacle.
La capacité de Out Innerspace à entrelacer la technicité époustouflante des danseurs, leur unicité, ainsi qu’à évoquer une symbolique sous-jacente à chaque geste, nous offrant toujours plus d’informations en ce qui concerne la trame narrative de la pièce, témoigne d’une maîtrise absolue de leur médium. Le public tire parti d’un espace-temps privilégié pour s’abreuver de la sensibilité de chacun des interprètes, alors que des projections de leurs visages se juxtaposent à leur souffle. Leurs costumes extravagants mordent l’espace, tandis que l’œil est distrait par une kyrielle de détails, de décors et d’accessoires qui ajoutent une couche de complexité au récit. L’aspect cinématographique de Rhino est indéniablement la qualité la plus charmante de l’œuvre: le public se laisse porter par ce film vivant, avec ses scènes grandiloquentes, enchantées, subjuguantes. Ce fut un réel festin visuel et sensoriel présenté par Out Innerspace à l’Agora de la danse.
Article rédigé par Vincent Lacasse.