Tout récemment, Elisabeth Massicolli publiait la suite de son premier roman, dans lequel les lecteur·rice·s suivent les déboires amoureux et amicaux de Camille. Étant dans la vingtaine, la protagoniste fait son entrée dans la vie adulte accompagnée du lot de défis qu’elle comporte.
La bouche pleine est paru en 2020. Dans l’œuvre, Camille a une meilleure amie incroyable et travaille ardemment pour obtenir le poste qu’elle convoite. Pourtant, cela ne l’empêche pas de se sentir seule et perdue. Comme la protagoniste est souvent centrée sur elle-même, elle finit par effriter sa relation avec sa meilleure amie Julianne, qui en a plus qu’assez de ses décisions égoïstes et irréfléchies. En plus d’être maladroite dans ses relations amicales, Camille se jette sans cesse dans des relations amoureuses vouées à l’échec. En déblatérant avec sa psy peu loquace, Camille en vient à se demander si elle ne se plaindrait pas la bouche pleine.
Nous retrouvons Camille dans Primadonna, roman tant attendu qui est paru aux éditions Québec Amérique le 28 février dernier. Expatriée à Rome, la protagoniste laisse tout derrière elle pour s’installer dans un studio de 19 mètres carrés décrépit, mais encadré d’un paysage paradisiaque. Elle explore les petits plaisirs de la ville éternelle : le bon vin, les spritz, les expressos et le grand éventail de pâtes. Elle profite aussi de la présence des beaux Italiens, qui ravissent son cœur bien malgré elle. Alors qu’elle tente de ne développer aucun sentiment et rester de marbre, Camille fait tout de même une place à Giovanni dans son cœur. Elle s’obstine toutefois à garder cette relation sans étiquette, ce qui la fait énormément réfléchir. Dans ce nouveau roman, la protagoniste travaille énormément sur elle-même et réussit à s’ouvrir sur des réflexions les plus crues, touchantes et comiques.
« Il doit se passer quelque chose dans mon cerveau quand quelqu’un me sert un bon café, parce que je tripe sur chacun d’entre eux même s’ils sont souvent expéditifs et bêtes et qu’ils font pas vraiment attention à moi. Well, ça fitte avec mon pattern, I guess[1]. »
Camille évoque une majorité de personnes dans la vingtaine : elle cherche à savoir qui elle est, elle s’investit dans des relations sans connaitre ses besoins, elle se calfeutre dans ce qu’elle connait même si cela la rend malheureuse parce que c’est moins effrayant que de changer. Camille est constamment coincée entre la volonté d’être désirée et celle d’être plutôt aimée pour sa personnalité. Elle projette l’image d’une femme ambitieuse et sûre d’elle-même, alors qu’elle tâtonne dans le noir afin de trouver la bonne voie à prendre. La jeune femme est une overthinker hors pair, ce qui la rend souvent pessimiste et irritante. Toutefois, dans le second roman, Camille est plus mature et cherche réellement à devenir la meilleure version d’elle-même. Elle aspire continuellement à pousser plus loin ses réflexions – même celles qui l’effraient au plus haut point – et à reconnaitre ses torts. Elle accepte toutefois que le changement ne se fasse pas en un clin d’œil et illustre ainsi combien le travail sur soi est difficile, mais nécessaire.
Ces retrouvailles avec Camille nous laissent entrevoir ses plus grandes vulnérabilités : ayant eu le cœur brisé à maintes reprises, elle se ferme complètement et refuse de laisser le moindre espoir à quiconque quant à une éventuelle relation amoureuse. Elle a beaucoup de difficulté à faire confiance et à s’ouvrir, ce qui rend le récit à la fois touchant et réaliste. Sa relation avec Gio est ainsi un véritable casse-tête, puisqu’elle l’apprécie, mais qu’elle se limite à vivre avec lui une relation charnelle. L’autrice introduit d’ailleurs la double narration pour glisser quelques bribes des pensées de Gio.
Les romans d’Elisabeth Massicolli sont à la fois doux et « confrontants ». Ceux et celles dans la vingtaine, il est facile de se reconnaitre dans sa protagoniste complètement perdue devant le monde adulte qui s’ouvre devant elle. Ses œuvres, qui semblent autofictionnelles, sont pour moi un immense coup de cœur. Les remerciements laissent présager que la saga de Camille est maintenant terminée, mais je suis convaincue que l’autrice viendra éventuellement titiller notre curiosité avec une nouvelle histoire tout aussi prenante.
[1] Elisabeth Massicolli, Primadonna, Montréal, Québec Amérique, 2023, p. 14.
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Massicolli, Elisabeth, La bouche pleine, Montréal, Québec Amérique, 2020, 176p.
Massicolli, Elisabeth, Primadonna, Montréal, Québec Amérique, 2023, 136p.