Durant trois soirs à la 5e salle de la Place des Arts, le festival 100Lux poursuivait sa semaine consacrée à la danse urbaine avec des spectacles divers et variés. Ces représentations avaient lieu suite à une semaine extrêmement chargée: une conférence sur la création en danse urbaine, une projection de courts-métrages réalisés dans l’année par des réalisateurs montréalais et des danseurs de danses urbaines, et une performance traitant du processus créatif avaient déjà ouvert le festival.
Pour la soirée du jeudi 16 février, six créations originales, qui faisaient entre 10 à 15 minutes, s’enchaînaient devant les yeux des nombreux spectateurs. Dès son arrivée, le public pouvait observer des vinyles accrochés sur les murs du hall et décorés par des artistes du milieu hip-hop montréalais. Ensuite, une démarche in situ où de jeunes danseurs déambulaient autour du bar a été proposé au public durant son attente. Chacun improvisait des mouvements sur la musique ambiante, pour finalement offrir une chorégraphie de quelques minutes avant l’ouverture des portes.

Festival 100Lux
Une fois le public entré en salle, la vidéo Pussy Power était projetée afin de mettre à l’avant-plan la place des femmes dans le milieu hip-hop actuel. La première création a alors débuté. Il s’agissait de Legado, chorégraphié par Flow Rock, avec comme interprètes Nubian Néné, Chilly, Dr. Step, Bourrik et DFrost. Cette pièce raconte l’histoire d’individus qui se retrouvent autour d’une passion commune : le break. Les cinq interprètes qui évoluent dans ce milieu se transmettent leur savoir, leurs habiletés dans une ambiance bon enfant, entre complicité touchante et humour. La pièce se base aussi sur l’idée de théâtralité dans la danse et se veut porteuse d’un message. Entre légèreté humoristique et technique irréprochable, la pièce cherche à transmettre au public les valeurs et la philosophie du hip-hop, à savoir le partage entre pairs, le respect d’autrui, l’évolution individuelle, le rejet des préjugés et le soutien de la communauté. Elle met de l’avant l’importance de l’héritage artistique et culturel entre les générations et a su ravir à la fois les curieux de hip-hop comme les friands de performances.
La deuxième pièce était un solo, chorégraphié et interprété par Samantha « Sam I Am Montolla » Hinds. Présentée à Zone Homa en août dernier, Mother’s Calling brise les barrières que nous nous construisons afin de tenter d’apprendre qui nous sommes vraiment. Entre attitude de diva, sensualité et douceur enfantine, la créatrice transporte le public grâce à une projection psychédélique et à des mouvements envoûtants, au gré d’une musique entraînante. L’interprète nous dévoile sa féminité comme une réelle force, qui lui permet une lutte permanente pour grandir et s’affirmer. Cette pièce, tout comme la première projection, porte un regard encourageant et positif sur la femme dans le milieu de la danse urbaine et montre toute la diversité de ce milieu, tant dans ses genres de danse que dans les sujets traités.
Chorégraphiée par les deux interprètes Lazylegz et Roya the-destRoya, Créatures montrait l’être dans son évolution constante, à la recherche de la lumière dans l’obscurité. Comme le collectif l’écrit dans le programme : « la découverte de soi n’est que la moitié du voyage ; l’acceptation de soi est ce qui fait l’autre moitié ». À travers une recherche poussée et une adaptation de leurs corps aux objets qu’ils utilisent (chaise et béquilles), mais aussi l’un à l’autre, ce duo nous prouve que le hip-hop est ouvert à tous types de corps, et qu’il est un parfait lieu de performance où poésie et subtilité ont aussi leur place.
Origami mami est la nouvelle création d’Emmanuelle Lê Phan, directrice artistique du collectif Tentacle Tribe, mais aussi interprète pour l’occasion. Dans ce trio, se construisent et se déconstruisent des combinaisons corporelles, de la plus simple à la plus complexe. Le plié et l’articulé sont explorés à travers la figure géométrique de l’origami. Technique et fluidité ressortent chez les trois interprètes : Emmanuelle Lê Phan, Marie-Reine Kabasha et Victoria Mackenzie. Pris dans un univers envoûtant, le public ne cesse d’être surpris par les agencements des artistes, toujours originaux, et par leur facilité à créer des illusions à l’aide de leur gestuelle et de leur maîtrise.
Hyougzz et Tazz ont créé la pièce Montréalité, dans laquelle ils se réunissent autour de leur passion commune. C’est avec humour que les deux artistes dépeignent au public leurs vies quotidiennes, eux qui sont perdus entre ce qu’ils souhaitent vraiment être et comment ils sont perçus. La pièce insiste sur le l’unicité de chacun et le respect de l’autre. Entre rire, prise de conscience et technique, la pièce mélange de nombreux aspects qui mettent en valeur la culture hip-hop.
La dernière pièce, Your spell, my drink, chorégraphiée par Céline Richard-Robichon, était interprétée par Christina Paquette, Sandy Béland, Lakesshia Pierre et Nindy Banks. Cette création traite de la constante comparaison qui se fait entre les humains, qu’il s’agisse de la taille, de l’apparence, de la personnalité. « Ce que l’on donne, l’autre reçoit alors que ce que l’on voit est parfois invisible » (Programme de soirée). Pour aborder ce thème, la créatrice a décidé d’utiliser la composition, la texture de mouvement, mais aussi de toujours utiliser l’identité propre de chacun comme énergie. Chaque artiste dévoile alors au public sa personnalité et ses habiletés propres pour le plonger dans un univers poétique où la danse contemporaine et la danse urbaine ne font qu’un.
C’est une ovation enjouée venant d’une salle pleine qui a clôturé la présentation de ces pièces. La soirée a su prouver que le hip-hop est une culture à part entière, qui a entièrement sa place sur la scène professionnelle, car elle sait traiter de tous les thèmes et satisfaire les goûts de chacun. C’est donc un défi réussi par le festival 100Lux, qui travaille d’arrache-pied à la consécration du hip-hop comme œuvre d’art.
Le festival 100Lux se déroulait du 13 au 19 février dans divers lieux à Montréal, notamment au cinéma Beaubien et à la 5e salle de la Place des Arts.
Article par Léa Villalba.