Par Louis-Paul Willis
Catapultée vers des sommets de popularité dès sa sortie, Stranger Things se pose comme un objet culturel à la fois sériel et unique. Sériel par sa forme, certes, qui est en phase avec les conventions propres au contenu télévisuel, mais aussi par son inscription dans la logique contemporaine du recyclage culturel et de la récupération intertextuelle. Unique, par ailleurs, quant à son utilisation de la nostalgie et de la rétromanie comme principaux vecteurs narratifs ; Jean-Laurent Cassely affirme d’ailleurs au sujet de l’émission que «c’est moins une série qu’un répertoire des options visuelles du registre [fantastique], organisé en succession de scènes qui font avancer le récit» (Cassely, 2016). Les innombrables références intertextuelles offertes par Stranger Things ont d’ailleurs tôt fait d’être répertoriées et décortiquées dès la sortie de la première saison, à l’été 2016. Mais au-delà du plaisir référentiel offert, force est de constater que cette série s’inscrit effectivement dans une logique narrative fondée sur la nostalgie. Elle participe ainsi à construire un paysage médiatique fondé sur la rétromanie. Entre les gaufres Eggo, les déguisements de Ghostbusters, les walkies-talkies de la taille d’un ordinateur et les maisons aux décors datés, elle semble résolue à plonger son spectateur dans un rapport spécifique avec la décennie des années 1980. Pour plusieurs critiques, la technologie joue un rôle majeur dans ce rapport; Grafton Tanner propose même que
Stranger Things is not a show about people, government conspiracies, or monsters, regardless of what the synopsis says. It’s about analog media technologies and the iconography of 80s mundanity. The dated telephones, televisions, walkie-talkies, furniture, fashion, and toys fill up every inch of the mise-en-scene, threatening to eclipse the actors themselves. The images of the past are the stars of the show. (Tanner, 2016)
Dans ce qui suit, je me propose d’explorer les manifestations de la nostalgie et de la rétromanie au sein des deux saisons premières saisons de Stranger Things, plus particulièrement en m’arrêtant sur la trame musicale mise de l’avant dans la série. Après avoir développé les notions de nostalgie, de rétromanie et de hantologie, il s’agira de voir la série des frères Duffer comme une forme de fictionnalisation nostalgique fondée sur des références musicales et hantologiques.
Nostalgies télévisuelles
La télévision entretient des liens étroits et fortement codifiés avec la nostalgie, et ce, depuis plusieurs décennies déjà. Il est d’ailleurs commun dans le paysage télévisuel de voir des émissions dédiées à l’exploration d’époques antérieures: la sitcom Happy Days proposait un regard ludique sur la vie familiale américaine dans les années 1950 et 1960. À la fin des années 1980, la série The Wonder Years pose un regard similaire sur les années 1960 et 1970, avec une dimension parfois un peu plus critique. Plus récemment, la série Mad Men nous ramène dans le New York des années 1960, avec quelques chocs culturels, notamment dans la dynamique des relations entre les genres. Les tendances culturelles, notamment télévisuelles, sont bien ancrées dans la nostalgie, au point où il est opportun d’y voir un lien avec les changements technologiques et sociaux qui bouleversent plusieurs présupposés. Daniel Marcus note bien comment «recollections of the past take shape out of current needs and pressures. Nostalgia thrives when the stability of personal identity is challenged by rapid social change, discontinuity, and dislocation» (Marcus, 2004: 67). Simon Reynolds abonde dans le même sens, affirmant que «nostlagia for the past also intensifie[s] because the world [is] changing faster» (Reynolds, 2011: xxvi). En somme, il appert que la nostalgie se veut particulièrement foisonnante dans les contextes de changements sociaux accélérés. L’idée d’un passé où les choses étaient plus saines semble rassurante dans les périodes de bouleversements sociaux et culturels.
Bien sûr, les discours télévisuels fondés sur la nostalgie ne versent pas nécessairement dans l’idée fantasmatique d’un passé idyllique devenu inaccessible. Ou, du moins, il ne s’agit pas toujours de montrer comment tout était «dont bien mieux avant ». On peut citer de nombreux discours culturels qui se limitent à effectuer des parallèles entre « maintenant » et un passé pas trop lointain. Puisqu’il s’agira ici d’aborder les années 1980, on peut d’emblée citer en exemple un film comme The Wedding Singer (Coraci, 1998), qui ne prétend à rien de plus que de lancer des gags émanant de ce genre de parallèle et des dissonances qui en découlent, allant des modes vestimentaires aux références culturelles diverses. Datant de la fin des années 1990, ce film semble en quelque sorte inaugurer la fascination pour les années 1980 qui perdure aujourd’hui[1]. Dans une entrevue avec la revue en ligne Inverse, Simon Reynolds va jusqu’à suggérer que «The ‘80s are now a perennial fixture of retro culture» (Reynolds, cité dans Britt, 2017). En somme, ce genre de discours culturel participe à ce que Svetlana Boym qualifie de nostalgie réflexive.
Dans The Future of Nostalgia, Boym distingue effectivement deux types de nostalgies: la nostalgie réflexive, qu’elle oppose à la nostalgie restauratrice (Boym, 2001: 41). Axée sur la notion fantasmée d’un ordre préexistant qu’il importe de restaurer, «[r]estorative nostalgia knows two main narrative plots — the restoration of origins and the conspiracy theory, characteristic of the most extreme cases of contemporary nationalism fed on right-wing popular culture» (Boym: 43). Bien qu’elle puisse émaner de la réception de certains discours pop-culturels à saveur nostalgique, la nostalgie restauratrice ne se trouve que très rarement gravée dans les produits culturels populaires. Dans le contexte actuel, elle se trouve la plupart du temps reléguée aux médias socionumériques. Comme Boym le précise, «[r]estorative nostalgia takes itself dead seriously. Reflective nostalgia, on the other hand, can be ironic and humorous» (Boym: 49). Au final, «[r]estorative nostalgia evokes national past and future; reflective nostalgia is more about individual and cultural memory» (Boym: 49). Formulé autrement, les deux types de nostalgie portent respectivement sur la nation (nostalgie restauratrice) et sur la mémoire, le sujet et, par extension, la culture (nostalgie réflexive).
Le constat selon lequel la culture des deux dernières décennies est pleinement ancrée dans la logique de la nostalgie sous-entend certes que les deux types de nostalgie peuvent être opérants. Cela dit, il semble aisé de postuler que ce que Simon Reynolds qualifie de rétromanie verse plutôt dans la sphère de la nostalgie réflexive. Dans l’ouvrage du même nom, Reynolds définit la rétromanie comme le phénomène à travers lequel la culture populaire contemporaine demeure obsédée par les artéfacts associés à son passé récent. Il note à cet effet que la frénésie actuelle pour un passé immédiat est plutôt inusitée, écrivant que «[t]here has never been a society in human history so obsessed with the cultural artifacts of its own immedate past» (Reynolds, 2011: xiii). Cette rétromanie est selon lui endémique:
This kind of retromania has become a dominant force in our culture, to the point where it feels like we’ve reached some kind of tipping point. Is nostalgia stopping our culture’s ability to surge forward, or are we nostalgic precisely because our culture has stopped moving forward and so we inevitably look back to more momentous and dynamic times? (Reynolds, 2011: xiv)
Semblant confirmer que la rétromanie résulte d’une nostalgie réflexive, Reynolds propose quatre éléments participant à la rétromanie: 1) elle est toujours axée sur un passé relativement récent; 2) elle implique une archive précise et disponible permettant une exactitude du souvenir; 3) elle implique généralement les artéfacts de la culture populaire; 4) elle cherche à être charmée ou amusée par le passé, plutôt que de l’idéaliser ou le sentimentaliser (Reynolds, 2011: xxx). On peut d’emblée constater que ces quatre éléments sont pleinement opérants dans Stranger Things: 1) la série est obsédée par l’esthétique visuelle et sonore des années 1980; 2) elle représente cette esthétique de façon particulièrement précise, notamment par l’entremise de la présence d’objets et d’archives; 3) la culture des années 1980 transcende la trame narrative et visuelle, comme il nous sera donné de le constater sous peu, et; 4) il va sans dire que la série vise à divertir son spectateur en le plongeant dans l’époque devenue mythique des années 1980. Dans les mots de Cassely, «Stranger Things est une nouvelle création qui déploie à l’infini la grammaire des œuvres de pop culture dont elle s’inspire, dans la tentative explicite de replonger une audience générationnelle dans les œuvres avec lesquelles sa sensibilité s’est construite» (Cassely, 2016).
Comme mentionné en début de parcours, les références culturelles — largement présentes dans la série — ont tôt fait d’être extensivement répertoriées lors de la sortie de cette dernière. Il ne s’agira donc pas ici de revenir trop en profondeur sur cette question déjà amplement explorée; il s’agira plutôt d’aborder la trame sonore de Stranger Things, car les références musicales, qui fonctionnent à la fois sur le mode d’une récupération de chansons connues et sur le mode de références à des ambiances musicales précises, participent résolument à la rétromanie fulgurante présente dans la série. D’un côté, le choix de pièces musicales populaires connues et iconiques vient appuyer cette rétromanie de façon évidente. On peut le remarquer dès le premier épisode, avec la présence de deux pièces de Jefferson Airplane qui pave la voie pour la rétromanie musicale qui suivra tout au long de la série. Vers la fin de ce même épisode, la ballade Africa de Toto assoit clairement l’effet rétro recherché, nous replongeant en définitive dans le contexte musical de la première moitié des années 1980. La chanson se fait entendre dans une scène elle-même fortement typée, alors que la studieuse Nancy se prépare pour un examen et que Steve, le jeune mâle alpha, fait de son mieux pour la draguer. Particulièrement clichée, cette séquence — où le jock tente de dévergonder la jeune fille sage — fait partie intégrante du programme narratif du film d’horreur de l’époque. La présence d’une ballade aussi iconique vient polariser l’ambiance, qui vacille entre le suspense typique au genre et l’interlude romantique entre deux adolescents.
À la fin du deuxième épisode, alors que Steve et Nancy sont isolés dans une chambre et que Barb se fait enlever par le monstre, c’est la reprise de A Hazy Shade of Winter par les Bangles qui se fait entendre, clôturant ainsi l’épisode. Bien qu’elle soit sortie en 1987, et qu’elle se retrouve donc en anachronie avec l’épisode qui se déroule en 1983, ce choix de chanson est intéressant puisqu’elle est elle-même une reprise d’une chanson du duo Simon and Garfunkel. La rétromanie musicale semble ici faire un clin d’œil à la rétromanie de l’époque. Lorsque l’épisode suivant reprend, c’est sur la chanson I’ve been waiting for a Girl Like You de Foreigner que se poursuit le montage alterné entre l’intimité de Steve et Nancy, et le sort funeste de Barb dans le fameux «upside down». Ainsi, les premiers moments du couple semblent surtout marqués par des ballades très typiques des années 1980, qui viennent participer à la nostalgie engendrée par cette rétromanie musicale. Ça se poursuit d’ailleurs alors qu’un triangle amoureux se dessine, la présence de Jonathan Byers venant troubler le couple formé par Steve et Nancy. Lorsque ce dernier vient épier Nancy, c’est Sunglasses at Night de Corey Hart qui se fait entendre — un choix musical judicieux si on considère les paroles de cette chanson [2]. Vers la fin de la première saison, alors que Steve et Jonathan s’en remettent aux poings, c’est la pièce Exit de Tangerine Dream qui se fait entendre. Loin d’être triviale, la présence de Tangerine Dream dans la trame sonore nous permet d’ailleurs de changer de registre et d’explorer l’autre facette de la rétromanie musicale à l’œuvre dans Stranger Things: l’ambiance musicale ancrée dans la tendance synthwave.
Hantologie musicale et autres traces du passé
Dans son livre sur la rétromanie, Simon Reynolds aborde le concept de hantologie, initialement développé par Derrida dans le but de décrire la présence persistante d’un passé qui hante le présent. Derrida utilise ainsi la figure du spectre — qui est à la fois être et non-être, présent et absent — pour aborder la persistance des idées de Marx. Le concept est rapidement récupéré dans de nombreux domaines académiques, toujours dans le but d’aborder les questions de la mémoire et de la ruine. La hantologie est directement liée à la persistance de vestiges du passé et, donc, à la nostalgie et à la rétromanie. Citant le catalogue de l’exposition Haunted au musée Guggenheim, Reynolds note comment «Much of contemporary art seems haunted by the apparitions that are reanimated in reproductions… By using dated stylistic devices, subject matter and technologies, such art embodies a longing for an otherwise irrecuperable past» (Reynolds, 2011: 329). La rétromanie repose donc largement sur la notion de hantologie. Dans cette perspective, il est intéressant de relire la critique de Cassely, qui affirme que «[les] réminiscences visuelles [dans Stranger Things] sont soutenues par une bande-son de tubes de l’époque, utilisant le pouvoir de la musique pour nous piéger dans l’état émotionnel recherché» (Cassely, 2016). Le critique n’aborde ici que les chansons se retrouvant dans la série. La bande-son originale demeure en reste et, pourtant, elle s’avère hautement fascinante à la lumière des idées avancées par Reynolds.
Il est d’autant plus intéressant de noter que ce dernier étudie la hantologie avant tout dans ses manifestations musicales. Pour lui, le passé refait surface dans la musique hantologique par le biais de l’échantillonnage, mais aussi par l’utilisation d’instruments électroniques analogiques, qui procurent une sonorité imparfaite, difficilement reproductible par la technologie numérique. Au-delà des pièces connues, Stranger Things met de l’avant une bande sonore qui tisse des liens étroits avec de nombreux films d’horreur et de science-fiction datant des années 1980. L’obsession de la série pour cette époque se répercute résolument dans les ambiances sonores qu’elle met de l’avant. Ces ambiances se revendiquent visiblement de la synthwave, ce courant musical qui s’inspire de la culture des années 1980, plus précisément des trames sonores de films, de jeux vidéos et de bandes dessinées de l’époque. Molly Lambert remarque d’ailleurs que la trame sonore de Stranger Things est composée par le groupe Survive, qui met de l’avant des synthétiseurs analogiques et des sonorités définitivement hantologiques. Comme elle l’indique,
[i]nspired by the early days of electronic music and artists like Giorgio Moroder, Vangelis, John Carpenter, and, of course, Tangerine Dream, synthwave is a postmodern take on the ‘80s, aiming to capture the way it feels to watch an ‘80s movie scored by Tangerine Dream late at night on TV more than to actually replicate their sound. Stranger Things is a synthwave TV show, and as with every part of it, the soundtrack comes in quotes. (Lambert, 2016)
Dans la perspective ouverte par l’argumentaire de Reynolds, il est effectivement aisé d’affirmer que Stranger Things est à la fois une émission synthwave et, à l’instar de ce genre musical rétrofuturiste, qu’elle incarne avant tout une reprise postmoderne des années 1980 composée de citations et de pastiches. Entre les clins d’œil sonores à Nightmare on Elm Street et Firestarter, la musique originale de la série demeure profondément hantologique. Ou, dans les mots de Grafton Tanner (2004), «Stranger Things is further proof contemporary digital society is haunted by the analog past. These hauntings appear through post-Recession Western culture in such forms as lo-fi music, retrofuturism, and the fetishization of dated media technologies».
Mais tout comme la synthwave, qui met les influences musicales des années 1980 à la portée des générations d’aujourd’hui, la hantologie présente dans Stranger Things se manifeste à travers cette fétichisation des technologies datées. À cet effet, il demeure intéressant de noter que les segments démographiques visés par Netflix vont au-delà de la génération ayant grandi dans les années 1980: les 18 à 29 ans semblent plus nombreux à avoir visionné l’ensemble de la première saison que les générations ayant vécu les années 1980[3]. Le culte des années 1980 ne vise donc pas uniquement ceux pouvant être nostalgiques de leur propre passé. Il se dégage de la série une forme de hantologie qui témoigne d’une nostalgie technologique pour un passé qui va au-delà du vécu réel pour beaucoup de spectateurs. Cela rejoint à nouveau les propos de Reynolds qui, dans son chapitre sur la hantologie, note que «[t]here is a massive cult among the young for dead media and outmoded appliances […], although it rarely extends beyond displaying the image to actually using the bygone format or device» (Reynolds, 2011: 351). Il ajoute que «[t]he fascination with obsolete technology seems related to the nostalgia for just-barely-remembered pop culture of the eighties» (351). En pensant à la fascination contemporaine pour les photos et vidéos numériques dotées de filtres visant à leur donner une esthétique rétro — par exemple, les applis Hipstamatic pour la photo et 8 mm pour la vidéo —, on ne peut que noter la présence marquée dans Stranger Things des technologies analogues qu’on émule aujourd’hui. On les retrouve en un large éventail de médiums, allant des photos sur pellicule de Jonathan Byers aux vidéos VHS de Bob, qui travaille pour Radio Shack, la défunte chaine de magasins d’électronique. D’ailleurs, même les coffrets DVD et Blu-ray de la série sont vendus dans un emballage émulant celui d’un film au format VHS à l’époque des clubs vidéo.
L’obsession hantologique de Stranger Things touche aussi plusieurs autres technologies datées. On peut penser à Mike qui vante l’énorme télévision de 22 pouces ornant le salon familial, à Hopper qui se rend à la bibliothèque municipale pour faire une recherche dans un catalogue sur fiche, au décor et aux présentoirs du Radio Shack, et même aux nombreux téléphones rotatifs présents d’un épisode à l’autre. À cet effet, lorsque le téléphone de Joyce est grillé, elle s’en procure un autre au magasin où elle travaille. On assiste alors à son déballage du nouveau téléphone, dans une scène qui ne peut avoir lieu que dans une perspective hantologique. Contrairement à ce qui se serait déroulé dans une émission ou un film de l’époque, les plans s’attardent anormalement longtemps sur le déboitement du nouvel appareil, sur son installation, et finalement, avec une touche humoristique, sur le fil qui n’est pas assez long. Cette insistance sur les téléphones fait écho à une obsession hantologique pour les téléphones rotatifs à l’ère des téléphones intelligents: non seulement les sonneries rétro sont-elles populaires auprès de plusieurs, mais on peut également se procurer des combinés rétro pouvant se brancher dans les appareils d’aujourd’hui.
Conclusion
En somme, que ce soit par son insistance extrême sur les objets et les technologies des années 1980 ou son utilisation d’une musique conjuguant nostalgie et rétromanie, Stranger Things semble représenter le paroxysme de l’obsession culturelle pour un passé à la fois rapproché et irrécupérable. Dans sa critique de la série, Tanner y voit «the point at which 1980s pop nostalgia jumped the shark» (Tanner, 2016) — une référence au point de bascule qu’une série peut être amenée à dépasser, et à partir duquel elle verse vers un niveau de qualité inférieur[4]. Un peu comme la musique synthwave, qui renvoie à une époque où elle n’aurait jamais pu exister, Stranger Things est marquée avant tout par une esthétique hantologique pour la simple et bonne raison que ce n’est pas une série qui aurait pu être réalisée dans les années 1980; c’est une série sur les années 1980. Pour terminer sur une note plus humoristique, mentionnons un article du journal satirique The Onion selon lequel on risquait d’être en rupture de stock de passé, puisque les niveaux de consommation de rétro ne sont plus soutenables[5]. Force est de constater qu’il en reste un peu plus que prévu…
BIBLIOGRAPHIE CRITIQUE
BOYM, Svetlana. The Future of Nostalgia, New York, Basic Books, 2001.
BRITT, Ryan. «Why Retro ‘80 s Nostalgia Rules Pop Culture», dans Inverse, 2017 [en ligne], https://www.inverse.com/article/34929-80s-eighties-retro-back-to-future-stranger-things-ready-player-one.
CASSELY, Jean-Laurent. «’Stranger Things’, l’industrialisation de la nostalgie», dans Slate, 2016 [en ligne], http://www.slate.fr/story/121797/stranger-things-industrialise-nostalgie.
LAMBERT, Molly. «Stranger Things and How Tangerine Dream Soundtracked the « 80 s »», dans MTV News, 2016 [en ligne], http://www.mtv.com/news/2914736/molly-lambert-on-the-german-synthrock-bands-tv-moment/.
MARCUS, Daniel. Happy Days and Wonder Years: The Fifties and the Sixties in Contemporary Cultural Politics, New Brunswick (NJ), Rutgers University Press, 2004.
TANNER, Grafton. «Stranger Things and the Nostalgia Industry», dans Hong Kong Review of Books, 2016 [en ligne], https://hkrbooks.com/2016/11/23/hkrb-essays-stranger-things-and-the-nostalgia-industry/.
REYNOLDS, Simon. Retromania: Pop Culture’s Addiction to Its Own Past, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2011.
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[1] On peut même voir une forme de nostalgie anticipée des années 1980 dans un film comme Back to the Future Part II (Zemeckis, 1989), au moment où, propulsés dans un 2015 aux apparences rétrofuturistes d’un point de vue contemporain, Doc envoie Marty au « Café 80s », dont il dira que c’est «one of those nostalgic places, but not done very well».
[2] En effet, les paroles de Sunglasses at Night sont souvent interprétées comme une métaphore où l’énonciateur de la chanson se « cache » derrière des lunettes fumées pour constater les potentielles infidélités de la femme qu’il désire, comme on peut le déduire dans ce passage qui précède le refrain : « while she’s deceiving me / it cuts my security / has she got control of me? ».
[3] Statista [https://www.statista.com/statistics/741810/stranger-things-viewership-usa-by-age]
[4] Il est intéressant de noter que l’expression «jump the shark» fait référence à la sitcom Happy Days, mentionnée en début de parcours.
[5] https://politics.theonion.com/u-s-dept-of-retro-warns-we-may-be-running-out-of-pas-1819564513