Les multinationales essaient de faire croire au grand public à la perfection de leurs compagnies. On nous montre du beau, du pas cher, mais surtout des employés dévoués et souriants qui sont là pour répondre à nos moindres besoins, mais qu’en est-il vraiment? Les employés sont-ils aussi heureux qu’ils en ont l’air? C’est ce que nous exposent les auteurs Julie Renault et Jonathan Caron dans une mise en scène de Luc Bourgeois.
Les auteurs sont tous deux issus de l’Option-Théâtre du Collège Lionel-Groulx et ils ont aussi travaillé ensemble avec la compagnie La bouée rouge. C’est d’un point de vue interne qu’ils ont écrit le texte de Starshit, puisque Caron est passé par les rouages de ces grandes compagnies. Ils nous en dressent ici un portrait en mettant en évidence le contraste entre l’image projetée au public et les conflits internes entre employés. D’abord, ceux-ci sont considérés comme égaux, eux qui doivent être nommés associés. Pourtant, on comprend bien vite que ce n’est pas tout à fait le cas et que la compétition est féroce au sein de la compagnie Starshit. La fable nous relate ici la course à la meilleure succursale Starshit, ainsi qu’au meilleur associé, celui qui ira vivre dans la cité Starshit. Tous se plantent des couteaux dans le dos afin de s’assurer une place dans la course et, qui plus est, la première place.
Noémi Paquette a créé des costumes qui rappellent très aisément l’uniforme de Starbucks, sauf qu’il est rouge et noir. Ce serait une vraie compagnie qu’on n’aurait pas de difficulté à y croire. La scénographie de Paquette est particulièrement ingénieuse, considérant qu’elle réussit à créer un café avec des caisses de lait et un mur peint avec de la peinture à tableau noir où certaines inscriptions sont déjà faites et d’autres seront écrites et dessinées par les acteurs durant la représentation. Les caisses de lait sont déplacées au début du spectacle par les acteurs et on prend plaisir à deviner comment elles seront placées, puisqu’au premier abord, tout cela ressemble surtout à un casse-tête. Pourtant, tout est parfaitement calculé et on se retrouve rapidement dans une succursale Starshit.
D’ailleurs, on y croit à ce Starshit. La mise en scène est très dynamique. Tout s’enchaîne dans un rythme extrêmement coulant, nous entraînant avec les acteurs dans la spirale de surconsommation que représente la compagnie. Une scène revient souvent; les associés prennent la commande des clients dans une chorégraphie très bien exécutée, on passe de la commande au paiement en un rien de temps, tout ça de concert. L’interprétation des acteurs est très énergique et vient supporter brillamment la mise en scène. On passe de l’action associé-client à des moments entre les associés qui, pour bien paraître devant les caméras du café, taisent les conflits qu’ils ont entre eux. Ce n’est que lorsque l’éclairage de Lyne Rioux vient se centrer sur le visage des acteurs que nous avons vraiment accès à leur réelle vie intérieure. D’ailleurs, les éclairages appuient bien les différentes scènes, cernant les lieux de façon efficace, soit le café ou le vestiaire des employés.
Indéniablement, on passe une très belle soirée en allant voir Starshit. Les répliques sont incisives, drôles et touchantes à certains moments. Non seulement le texte est très humoristique, il est aussi critique. On rit parfois jaune en se voyant comme un consommateur prit dans cette spirale de service toujours plus rapide et jamais assez bien. On voit les associés de ces compagnies sous un jour qu’on ne peut pas voir à l’habitude et c’en est attendrissant.
Présenté du 5 au 23 avril 2016 au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.
Article par Anne-Marie Spénard – Issue du baccalauréat en Études théâtrales à l’École supérieure de théâtre, Anne-Marie est aussi passée par les Women’s Studies à Concordia . Elle entretient une légère obsession pour la question des genres, la musique et la mer.