Le cinéma québécois commence l’année 2024 en force avec un objet d’art intitulé Sucré seize – symphonie pour adolescentes. Cet essai expérimental réalisé par Alexa-Jeanne Dubé est une adaptation cinématographique de la pièce de théâtre du même nom écrite en 2018 par Suzie Bastien. Présenté dans le cadre du Raindance Film Festival en 2023, ce long métrage est sorti en salle le 8 mars 2024.
Ce film est divisé en quatre mouvements qui sont tous accompagnés de narration et de musique. L’œuvre débute avec huit filles adolescentes – irradiant de jeunesse et d’innocence – réunies dans une toile de couleurs savoureuses. Se passant le flambeau, chacune relie des thèmes et des enjeux sociaux, culturels, économiques et politiques. Les scènes sont séparées en quatre parties sous le thème du « mouvement ». Ainsi, le film est divisé en quatre parties : « les obsessions », « la fuite », « la violence » et « le monde ». Par ailleurs, l’expression de la parole se juxtapose aux quatre éléments de la nature : l’une des filles se fait bercer par la houle tandis qu’une autre est entourée de feux. Il y a également une scène boisée rappelant la terre ainsi qu’un maquillage de cieux rappelant l’air.
Nous sommes accueillis dans un univers envahi par la biodiversité de la forêt. Les sujets sensibles et polémiques abordés dans ce film nous amènent à appréhender la forêt comme un lieu loin du jugement et loin du vacarme de la ville. Le décor répand des images d’enchantement et de réconciliation. Maintes scènes nous insèrent des cadrages dignes d’œuvres d’art. Par exemple, dans le mouvement de « la violence » nous faisons face à des montagnes rocheuses avec des feux de tout bord tout côté, et le tout couronné par une des filles en robe en paillettes en plein centre. D’autant plus que le maquillage peint les contours des actes tout en jouant un rôle d’extension, ce qui clarifie les messages qu’offre le film. À la fois délicat et féroce, le mélange de couleurs chaudes et froides au sein des formes fantaisistes maquillées sur les filles, nous invite à y voir des symboles ou des émotions comme l’amour, la honte, la colère, le dégoût et le mépris.
Pour ce qui est de l’essence de Sucré Seize, elle exalte une forte empreinte poétique transcendant les limites du réel. L’attention au détail et la verve artistique de la réalisatrice, Alexa Jeanne-Dubé, se ressentent dès les premières paroles énoncées. Nous voyons la brillance de la poésie comme socle pour ces choses qui sont plus complexes à exprimer. En parlant de complexité, la conception sonore s’entrelace intimement, subtilement et, à plus forte raison, symbiotiquement à travers l’expression des filles. L’objectif de la caméra, étant principalement sur la parole et le visage, la musique nous sert de guide à travers le débit de montagnes russes narratives. Dans une atmosphère tout aussi douce que violente, un éventail d’effets visuels nous fait voyager dans un lieu évocateur où il devient quasi impossible de ne pas ressentir de la compassion pour ce groupe de jeunes filles.
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Crédits photo : h264