Créée en 2017 à Vancouver, la pièce de la compagnie A Radical System Art production intitulée Telemetry était présentée par Danse Danse à la 5e salle de la Place des arts.
À propos de cette pièce énergique, précise et solide, le chorégraphe originaire d’Edmonton Shay Kuebler affirme: « Telemetry est essentiellement un concept physique ». Sept interprètes aux bagages stylistiques distincts se dépensent donc hors limite sur la scène circulaire de la petite salle polyvalente. Chorégraphe ainsi qu’interprète, Shay Kuebler lui-même ressort du lot pour sa présence, son assurance et sa virtuosité. En tenue de ville plutôt terne, chemises grises, pantalons sobres, les danseurs effectuent des séquences de groupe à l’unisson, de vigoureux duos ou solos et mettent de l’avant leurs différents savoir-faire : Swing, hip-hop, tap dance, house et arts martiaux.
Néanmoins, l’élément le plus original de la pièce, et un outil de cohésion important, est le danseur de claquette Danny Nielsen. Il est le premier corps visible sur scène et c’est aussi sur lui que s’éteignent les lumières et la dernière image du spectacle. Se déplaçant tout autour du tapis de danse blanc, dans une bande circulaire où semble avoir été installés des micros, il produit les rythmes qui servent de trame sonore au spectacle. Le son est donc créé en direct grâce aux coups, aux glissements, aux chocs des pieds du tap dancer, et Nielsen accomplira bel et bien cette performance durant toute la durée de la représentation.
Ce danseur agit aussi comme générateur et aiguilleur des dynamiques des autres interprètes. En effet, le titre du spectacle, Télémétrie, réfère au « procédé technique permettant de mesurer la distance d’un objet lointain par utilisation d’éléments optiques, acoustiques ou radioélectriques » (Wikipédia). Nielsen devient ainsi le repère, la tour de contrôle de la troupe, et les danseurs des télémètres. De cette disposition s’en suit donc un échange entre les corps dansant au centre de l’espace et le tap dancer qui gravite tout autour dans un espace de résonance.
La pièce est un exercice d’agencement et d’interaction entre une gestuelle qui se veut éclectique, inspirée par plusieurs styles, et des effets sonores et visuels captivants créés en direct sur scène. Certains aspects de la gestuelle dynamique et ondulatoire rappellent le style de la chorégraphe Crystal Pite (pour qui Kuebler a déjà travaillé) ou encore de la compagnie québécoise Destin croisé. Les corps, qui maintiennent constamment un rebond, sont souvent en balancement de gauche à droite et vice versa, et les effets de groupe ondulent d’un côté scénique à l’autre.
L’ambiance esthétique générale rappelle la luminosité d’écrans d’ordinateur, les lueurs électriques, les teintes de lumière cathodique. Les éclairages sont très importants et deviennent une forme de partenaire aux interprètes. La lumière aussi est souvent générée par l’interaction des corps. Au sol, des lignes lumineuses se forment et se déforment pour rejoindre les déplacements des corps dans l’espace. Les effets quasi stroboscopiques des lumières blanches froides sont suivis par des taches blanches, masses informes ondulantes au sol dessinant des motifs mouvants.
La fin est à l’unisson, rapide, émergeant d’une énergie nouvelle qui s’empare des interprètes, et c’est dans la force d’exécution que se conclut la pièce avec un retour de Nielsen, seul en avant-scène. Cette pièce sans sens explicite est davantage le produit d’une exploration des interactions entre son, lumière et mouvement, et une recherche de renouvèlement d’une physicalité contemporaine. Sans y parvenir complètement, elle captivera tout de même les adeptes de performances individuelles spectaculaires se déployant au sein d’une proposition visuelle assez classique malgré tout.
Danse Danse présente la pièce Telemetry de la compagnie A Radical System Art production à la 5e salle de la Place des arts du 18 au 22 avril 2017.