The Witch raconte la vie difficile d’une famille de sept puritains affrontant tant bien que mal la nature sauvage d’une Nouvelle-Angleterre hostile au 17e siècle. Dès les premiers échanges, le niveau de langage des protagonistes surprend. En effet, Eggers, qui, en plus de la réalisation, signe également le scénario, dévoile les fruits d’un travail de recherche rigoureux à travers des textes qui s’inspirent directement du style de l’époque. Une approche quasi naturaliste et un propos traditionnellement fantaisiste nous placent à proximité d’un sujet aux apparences plutôt sobre. Pourtant, l’expérience cinématographique n’en devient d’autant plus terrifiante qu’elle nous semble palpable, viscérale et ancrée.
Ce conte folklorique de la Nouvelle-Angleterre joue avec les éléments classiques du film d’horreur, tout en misant sur un suspense contemplatif et introspectif. Il met en scène une menace omniprésente et presque inhumaine, sans toutefois mettre clairement le doigt sur un ennemi précis. La menace est à la fois extérieure et intérieure. La forêt étouffe le misérable logis des colons, théâtre d’une famille asphyxiée qui s’autophagie lentement, à coup d’accusations, rappelant ainsi la commotion causée par les procès des sorcières de Salem.
Par la justesse du ton et du suspense, le film parvient à danser en équilibre sur une fine ambiguïté. C’est à se demander qui est la véritable sorcière dans toute cette histoire. L’intrigue tombe finalement dans une certaine facilité, avec des explications plutôt conservatrices. Le réalisateur aurait pu les éviter. The Witch, qu’on m’avait pourtant annoncé comme un récit au penchant féministe, raconte plutôt l’acquisition de pouvoirs magiques par le personnage de Thomasin (Anya Taylor-Joy), à travers un pacte conclu avec un Lucifer à silhouette masculine. L’intrigue, qui semblait se diriger vers une catharsis libératoire du patriarcat et de l’Église catholique oppressive, manque une note cruciale en concédant l’ascension de l’héroïne à un simple changement de camp, au lieu qu’à une réelle transcendance individuelle.
En ce sens, on peut questionner comment, The Satanic Temple, un mouvement féministe qui fait la promotion de la méthode scientifique et de la libre pensée, soutient ce film. Il est vrai qu’à la fin, la sorcière s’élève dans le ciel au lieu de brûler au bûcher, envoyant ainsi un doigt d’honneur bien mérité à tous les soi-disant défenseurs d’une traditionnelle moralité oppressive.
Malheureusement dans ce film, la condition ultime pour obtenir des pouvoirs magiques demeure le traditionnel pacte avec un Lucifer masculin et manipulateur, qui offre en échange des «belles robes» et des «plaisirs délicieux». Ce qu’on escamote au passage, c’est toute l’attribution magique qu’on aurait pu conférer au véritable pouvoir individuel féminin, celui de la Lune, dangereuse et instinctive. Cette femme ne devient au final qu’un simple véhicule de Satan, victime d’une illusion de pouvoir, sans réelle liberté ou volonté.
N’en demeure pas moins que le film marque le triomphe d’un langage cinématographique maîtrisé, et qui n’éprouve aucune gêne à faire du cinéma d’horreur une réelle oeuvre d’Art.
The Witch, un film de Robert Eggers, au cinéma dès le 19 février.
Article par Mirek Hamet – Mirek Hamet est un jeune créateur Montréalais évoluant dans le cinéma et la musique. Le jour, Mirek fait des films, rencontre des startups et porte de belles chemises. La nuit, Mirek joue du dubstep dans la forêt à 4h du matin. Mirek ne dort pas beaucoup, il rêve.