Madame full of shit, paru en mars dernier chez Hurlantes éditrices, témoigne du passage à la fois chaotique et poétique de l’adolescence à la vie adulte. Dans son premier recueil de poésie, Catherine Paquet fait part des hauts et des bas qui accompagnent le coming-of-age. Divisé en trois parties – « Emo kid », « Self-made wannabe toute » et « Ghoster dieu » –, le recueil ose s’incruster dans l’inévitable overthinking et les pensées noires qui se manifestent chez les jeunes adultes. Les petits poèmes de l’autrice attestent d’un des plus grands défis de la vie : trouver son identité.
Dans cette ode à l’arrivée dans la vie adulte, l’autrice s’exprime dans un registre familier. Malgré l’utilisation de termes anglais et de certaines expressions populaires, son amour de la langue se discerne à travers ses nombreux jeux de mots. Par l’écriture de multiples calembours, Catherine Paquet nous prouve effectivement son excellente maitrise de la langue française.
L’expérience du coming-of-age est l’équivalent de montagnes russes émotionnelles. Cependant, le recueil est un magnifique rappel que, même si iels peuvent avoir l’impression de tourner en rond, de marcher sur des œufs et de faire n’importe quoi, les jeunes adultes finissent tout de même par être un peu moins perdu·e·s.
« parfois le malheur c’est / le beau temps qui s’écrase / du soleil plein la fenêtre / sur les traits noyés / d’une averse isolée[1] »
Après avoir été plongée dans mes souvenirs doux-amers de la relation au corps en transformation, des nombreux essais-erreurs et des expérimentations médiocres de tous genres, j’ai eu l’occasion de discuter avec Catherine Paquet. J’ai ainsi pu la questionner au sujet de son recueil de poésie.
D’où est née l’idée d’écrire Madame full of shit ?
Madame full of shit a germé le jour où j’ai finalement rapaillé mes notes de cell, les gribouillis de mes cahiers, les bouts éparpillés sur mon Drive et les mille documents Word qui trainaient all over mon disque dur externe dans l’espoir de réaliser mon plus grand rêve : publier un livre. C’est donc un manuscrit accumulé. Pour vrai, la gestation a duré presque une décennie, à coup de vers-révélations, de lines qui stickent dans la tête pis de réflexions et de découragements avec lesquels je ne savais franchement pas quoi faire d’autre. J’ai l’esprit plutôt chaotique et foisonnant pis je ne suis pas la meilleure en syntaxe alors la poésie s’est imposée d’elle-même. Il n’y a pas meilleur moyen pour moi d’être évocatrice et floue en même temps, j’ai l’impression que ça ouvre des portes entre des trucs qui ne communiquent juste pas autrement. I guess qu’il y a une voix qui s’est façonnée à force de lire et de gosser.
Y a-t-il une histoire derrière le titre du recueil ?
Une fois le manuscrit ordonné, je cherchais un titre dans mes vers. La logique de la séquence, c’était le passage d’un genre de repli sur soi à l’ouverture au monde, d’où sa vibe coming-of-age, et quand « Madame full of shit » m’a sauté dans la face ça faisait juste beaucoup de sens. J’aime provoquer un peu pis je trouvais que ça avait de la gueule.
Quelles ont été vos inspirations pour votre premier recueil de poésie ?
Mon inspiration pour l’écriture vient toujours de situations et d’états que j’ai de la misère à digérer : des relations foireuses, des affaires irrésolues, des états dépressifs, des questionnements existentiels et identitaires, une impuissance devant l’état du monde, etc. Je pense être comme tout le monde ; j’écris avec ce qui me chicote.
Je travaille depuis sept ans comme intervenante communautaire auprès de populations diverses (personnes ayant des problèmes de dépendance, femmes en difficulté et en situation d’itinérance), alors j’ai un contact assez direct avec bien des formes de détresse. Je suis constamment révoltée par les inégalités, le néolibéralisme et les ravages de l’extractivisme. J’ai canalisé plusieurs moments d’impuissance dans l’écriture. J’ai aussi certainement été influencée par les histoires qu’on m’a confiées.
Je suis aussi bien influencée par la poésie québécoise contemporaine (Marie Darsigny, Marjolaine Beauchamp, Alexandre Dostie – grande fan de feu l’Écrou – Maude Jarry, Jean-Christophe Réhel, Geneviève Desrosiers, etc.) et les chansons à texte. Ça teinte clairement mon écriture, la manière dont je fais de la poésie. Je suis aussi une lectrice immodérée d’essais (philosophiques, sociologiques, anthropologiques) et j’ai bouffé de la littérature scientifique de sciences humaines en masse au fil du temps. Mes ami·e·s, très divers·e·s et aux intérêts tout autant disparates, me groundent aussi sur des terres mixtes.
Tu mets tout ça dans le blender pis ça donne pas mal Madame full of shit.
Il y a énormément de jeux de mots dans votre recueil. Quel est votre processus d’écriture ?
Comme c’est mon premier projet d’écriture, je n’avais pas de processus conscient. C’est avec le recul que la trail des louvoiements s’est révélée. Pour Madame full of shit, j’ai overthinké en masse, passé par des gammes d’émotions très désagréables, mais quand les mots jaillissaient, ça allait vite pis c’était pas long. J’ai beaucoup écrit durant mes déplacements (métro, covoiturage, bus) et la nuit – sur mon cell ou mon ordi. L’écriture, c’était plus un espace qu’un processus dans ma tête. C’était une bulle qui m’appartenait juste à moi, à côté des études, du travail, des ami·e·s. C’était le spot où péter ma coche, vider mon sac pis poser mes questions.
Pour les jeux de mots, ça vient clairement de mon père, qui en fait constamment lorsqu’il parle. Ça ne m’a jamais fait rire – but premier de son usage –, mais ça m’a toujours amusée de catcher rapidement les associations phonétiques. J’éprouve le même genre de plaisir quand il y en a un qui me vient en écrivant.
Maintenant, je suis arrivée au constat que j’écris avec la langue que j’ai dans la bouche ; une langue qui aime jouer avec les sons, en allitérations comme en images. Ça mime mon rythme, ma drive. J’écris comme je parle, et je réfléchis en parlant. À c’t’heure que j’ai catché ça, quand je commence mes projets d’écriture, je parle parle parle parle parle de mes idées avec mes ami·e·s pis ça m’aide à les structurer. Je pense même que le prochain projet comprendra des phrases (presque) syntaxiquement correctes.
Y a-t-il d’autres projets littéraires ou artistiques à venir ?
Yesssss, je termine le certificat en création littéraire à l’UQAM cet été, un programme qui se solde par un projet d’écriture. Alors, en ce moment, je fais des recherches pour ce projet-là, qui s’enligne pour être un genre d’exploration du délire et de mon background/héritage catholique par le prisme de ma grand-mère. À suivre !
Il est possible de suivre Catherine Paquet sur Instagram et de trouver son recueil en librairie partout au Québec.
[1] Catherine Paquet, Madame full of shit, Montréal, Hurlantes éditrices, coll. « Poésie », 2023, p. 79.
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Paquet, Catherine, Madame full of shit, Montréal, Hurlantes éditrices, coll. « Poésie », 2023, 104p.