Je termine tout juste ma lecture de Hexa, un roman de Gabrielle Filteau-Chiba publié récemment chez XYZ, et il s’agit assurément de l’un de mes coups de cœur de 2023! Cette œuvre m’a sortie de ma zone de confort puisque je ne suis pas une fervente lectrice de dystopie. Pourtant, je me suis délectée de celle-ci. L’autrice a brillamment tissé une histoire dans laquelle s’imbriquent les points de vue de quatre personnages qui ont chacun une expérience différente de la Cité.
Dès le début du roman, Gabrielle Filteau-Chiba nous immerge dans son monde dystopique : la Cité intelligente de Sainte-Foy, cet endroit où tous les habitants sont réunis, ou plutôt enfermés, – supposément pour leur bien –, entre des murs surmontés de barbelés sous prétexte que l’extérieur est dangereux pour la survie de l’espèce humaine. En effet, les chaleurs extrêmes et le déclin de la santé environnementale ont eu d’énormes répercussions sur les territoires du monde entier. Dans la Cité, un vidéo passe tous les ans, montrant l’ampleur des dangers en dehors de ses murs. Les habitants sont identifiés par des puces qu’on leur insère dès la naissance et sont surveillés par les robots et les drones qui les entourent en permanence. L’humanité semble ne tenir qu’à un fil : les femmes étant de plus en plus infertiles, les bêtes nées des changements environnementaux les guettant au-delà des murs, les averses de pluie acide les obligeant à se terrer pendant des mois.
C’est un roman en trois temps, non seulement parce qu’il est divisé en trois parties, mais aussi parce qu’il nous permet d’entrer dans l’histoire de trois personnages. Nous vivons d’abord le présent aux côtés de Thalie, qui suit sa mère, Sandrine, à la plantation pour un stage. Nous sommes ensuite replongés dans les souvenirs de Sandrine qui nous font cheminer jusqu’au moment présent. Enfin, nous suivons Gabriel, le père de Thalie, dans sa quête de rébellion. Quelques bribes de l’histoire d’Hexa – dont l’identité reste bien mystérieuse – parsèment chacune de ces parties. Ce mélange fait en sorte qu’il est impossible de déposer le livre, puisque nous voulons découvrir ce qu’il adviendra de ces quatre personnages au fort caractère.
Malgré les conditions difficiles de la Cité, quelques rebelles réussissent à en sortir. Elles sont attitrées à la reforestation des brulis par les MiliTerre. Pour elles, la nature prime. Tout tourne autour des cycles lunaires et menstruels. Les animaux et la faune sont d’une importance capitale. Ces femmes ont entre elles un amour inconditionnel, ce qui en fait un groupe de support émotionnel incroyable. C’est si beau de voir des humains s’allier pour faire le bien.
D’ailleurs, plusieurs passages du livre ont suscité de la frustration chez moi. En effet, alors que les femmes de l’extérieur semblent libres et indépendantes, leur réalité est terriblement différente à l’intérieur de la Cité. Le gouvernement semble avoir une énorme emprise sur la femme. Elle est facilement jugée instable, ce qui occasionne l’obligation de subir une hystérectomie – une chirurgie lors de laquelle l’utérus est retiré – ou la perte de la garde de son enfant. C’est effrayant de voir les ressemblances avec le monde tel qu’on le connait et la rapidité à laquelle il est possible de perdre des droits acquis : la liberté sexuelle, la liberté de mouvement, le droit à l’information. En ce sens, cette dystopie donne froid dans le dos, bien qu’il s’agisse d’une lecture fort captivante.
Filteau-Chiba, Gabrielle, Hexa, Montréal, XYZ, coll. « Romanichels », 2023, 296p.