L’artiste multidisciplinaire Catherine Larochelle publie cette année pour la seconde fois aux Éditions Québec Amérique. À la suite du succès de son roman J’irai déterrer mon père, paru en 2022, elle nous réserve une nouvelle œuvre autour du thème de la famille. Cette fois-ci, ce n’est cependant pas le deuil qui y est abordé, mais la famille désarticulée.
Lucie, adolescente de 16 ans, décide de mettre en scène sa disparition. Elle planifie tous les détails, de la lettre de rançon aux traces laissées par les intrus dans la maison lors de son enlèvement fictif. Elle ne prévoit toutefois pas tout ce qui pourrait tourner au vinaigre ni que quelqu’un pourrait voir clair dans son subterfuge.
L’adolescente prévoit donc de disparaitre avant que sa mère ne remette les pieds à la maison, trop occupée à aller ingurgiter des boissons alcoolisées. Elle met en place méticuleusement tous les éléments de son enlèvement, avant de sortir seule dans la nuit. Lors de cette fugue déguisée, Lucie replonge dans son passé, nous laissant entrevoir les événements qui l’ont menée à élaborer ce plan diabolique.
Plusieurs enjeux sont soulevés à travers l’écriture très imagée de Catherine Larochelle. Celle-ci nous permet d’ailleurs de visualiser clairement les souvenirs que relève Lucie. Nous percevons donc nettement les défaillances familiales dont résulte sa souffrance. Coincée entre le trouble alimentaire, l’anxiété et le sentiment d’abandon, Lucie envoie des signaux de détresse à ses parents en feintant son enlèvement. Elle les contraint à réagir pour obtenir une preuve de son importance à leurs yeux. Pour une fois, elle souhaite être choisie, acceptée et se sentir aimée inconditionnellement par ses parents. La jeune adolescente astreint ainsi sa mère à délaisser l’importance qu’elle accorde à l’apparence et contraint son père à être plus présent.
Toutefois, la soirée de Lucie ne se passe pas comme prévu. Elle s’inquiète pour sa sœur somnambule qu’elle laisse seule à la maison, elle prend conscience des détails qu’elle a négligés en peaufinant son plan et elle se retrouve piégée dans la cachette qu’elle avait pourtant soigneusement planifiée. Il lui faut alors beaucoup de courage pour prendre une décision concernant la suite des choses : disparaitre pour de bon ou confronter ses parents.
Cette œuvre à la fois légère et troublante illustre les retombées significatives que peuvent avoir les comportements parentaux sur les enfants. Elle prouve aussi que la vérité, même bien dissimulée, refait toujours surface. On en comprend qu’il vaut parfois mieux la confronter.
Espérons que Catherine Larochelle nous réserve une autre pépite pour les années à venir, bien que la fin du roman me laisse optimiste quant à une suite possible.
Larochelle, Catherine, Toutes nos disparitions, Montréal, Québec Amérique, coll. « Littérature d’Amérique », 2023, 152p.