Avec Une mort accidentelle (ma dernière enquête) de François Archambault – récipiendaire du Masque du meilleur texte original pour sa pièce La société des loisirs (2003 ) et du prix Michel Tremblay pour Tu te souviendras de moi (2014) – le Théâtre La Licorne lance l’année 2017 avec un texte très attendu. Avant même d’être présentée, la pièce, écrite dans le cadre de la résidence d’artiste de l’auteur à La Manufacture, affiche complet pour la plupart des représentations et des supplémentaires sont déjà annoncées.

Crédit photographique: Suzanne O’Neill
Un jeune chanteur, gagnant d’une compétition de chant télévisée, et l’animatrice d’une émission matinale semblent filer le parfait bonheur dans leur chalet fraichement rénové au cœur des Laurentides. Cet équilibre disparaît le jour où Philippe (Pierre-Yves Cardinal) arrive en panique chez ses parents (Micheline Bernard et Denis Bernard), leur annonçant qu’il a accidentellement causé la mort de sa copine. Ainsi est lancée l’affaire Lucie D’Amour, une enquête menée par un détective dépressif, asocial et amateur de death métal.
Comme la mort de Lucie est accidentelle, les parents de Philippe décident de lui fournir un alibi et de mentir au détective. Pris dans ce maelström de mensonges et de demies-vérité, nous découvrons une ribambelle de personnages colorés. Il y a les parents de Lucie : son père émotif (Roger La Rue) qui s’effondre à l’annonce de sa mort, puis sa mère (Annick Bergeron), froide et pragmatique devant la nouvelle. Le personnage de Mona Louvain (Marie-Hélène Thibault), une journaliste nymphomane qui couvre maladroitement l’affaire est lui aussi fort surprenant.

Crédit photographique: Suzanne O’Neill
Il nous est rarement donné de voir une création québécoise alliant théâtre et enquête criminelle. Ainsi, l’entrée en matière de la pièce séduit le public par son aspect novateur, son cynisme et son ton humoristique tonitruant. On nous présente des personnages très typés qui, s’ils nous font rire d’emblée, auront tôt fait de paraitre unidimensionnels. La bouffée d’air frais s’estompe rapidement et, après les premières scènes, le manque de nuances ainsi que les gags soulignés à gros trait rendent la pièce plutôt difficile à apprécier et donnent parfois l’impression de se trouver au théâtre d’été.
La présence de huit personnages sur scène insuffle un certain dynamisme qui est à son paroxysme lorsqu’il y a enchâssement de plusieurs micros-récits. En effet, les transitions entre les différentes histoires racontées se font assez habilement et donnent l’impression d’un rythme accéléré, impression qui est vraiment la bienvenue. Même le public se trouve face à brillant.e.s comédien.ne.s, le développement limité des personnages ne lui donne pas l’occasion de vraiment apprécier l’étendue de leur talent. Cependant, la présence physique de Lucie D’Amour (Marie-Pier Labrecque) de même que ses interventions en aparté nous offrent les moments les plus appréciables de la pièce. Hypnotisant et bien dosé, son jeu donne naissance à un personnage captivant et en nuances, personnage qui pourrait être exploité davantage. Autre point notable, la conception sonore d’Éric Forget. Qu’il passe par la production de pistes musicales originales ou encore par l’utilisation de micros, l’effet produit par la bande sonore est réussi.

Crédit photographique: Suzanne O’Neill
Alors qu’est-ce qui explique que la pièce tombe à plat après un départ plutôt réussi ? Même si la mise en scène plutôt statique de Maxime Dénommée y est sans doute pour quelque chose, il semble que le texte soit la source du problème. En effet, Archambault semble vouloir plaire à tous les publics en plus de vouloir produire chez eux tous les effets. Le texte présente des blagues au premier degré, sans subtilité, en plus de prétendre adresser une critique d’un monde en déroute. Les nombreuses blagues sur les réseaux sociaux, l’appareil médiatique mainstream et le rapport des Québécois.e.s à leurs vedettes semblent mal s’accorder avec le faux sang, les coups de couteaux et de hache. Il devient alors difficile de saisir le véritable modus operandi de la pièce ; s’agit-il d’une tension dramatique, d’une intrigue à suspense, d’une critique sociale ou d’une comédie ? Alors que le texte se risque dans toutes ces avenues à la fois, il semble s’écarter et se perdre en chemin.
Même si, dans les scènes finales, l’action reprend un rythme appréciable, et que la multiplication des violences et du gore saisissent l’attention de l’auditoire, il faut, à regret, constater que malgré plusieurs bons coups, quelque chose sonne faux. Si une poignée de spectateurs repartent divertis, une majorité semble toutefois avoir l’impression persistante d’avoir assisté à une pièce inachevée. Bref, François Archambault, qui cite dans ses influences Crimes et Châtiments, de Dostoïevski, n’arrive pas nous livrer une pièce à la hauteur de ses précédentes productions.
La pièce Une mort accidentelle (ma dernière enquête) était présentée du 17 janvier au 25 février au Théâtre La Licorne.
Article par Maude Lafleur.