Il est toujours plaisant de lire des œuvres rédigées par d’ancien·ne·s étudiant·e·s en littérature à l’UQAM. C’est donc avec exaltation que je me suis lancée dans la lecture de la nouvelle édition de 1984 d’Éric Plamondon, parue tout récemment au Quartanier. À peine quelques jours plus tard, j’avais passé à travers ses 591 pages.
1984 fusionne la trilogie à succès composée de Hongrie-Hollywood Express, Mayonnaise et Pomme S. L’œuvre permet donc de suivre Gabriel Rivages, dans l’entièreté de sa quête, vers le secret de la réussite. Le narrateur-personnage de 40 ans se remet effectivement en question et plonge dans le récit de trois self-made man : le nageur olympique Johnny Weissmuller, l’écrivain Richard Brautigan et Steve Jobs, à la fois entrepreneur et informaticien. En s’engageant dans l’histoire de ces trois figures emblématiques, Rivages tente de dénicher la recette gagnante vers la réussite et l’accomplissement de soi.
Cette œuvre sort de l’ordinaire non seulement par sa thématique qui traite du succès, mais surtout par son refus du linéaire. C’est par une construction de récit en réseau, soit de fragments d’histoires enchevêtrés astucieusement entre eux, que Gabriel Rivages nous narrate la vie de divers personnages. Ainsi, les lecteur·ice·s lisent une suite de fragments pêle-mêles, qui, au fil de la lecture, constituent une suite logique. Tel un casse-tête, il faut être en mesure de repérer tous les détails dispersés çà et là par l’auteur pour arriver à emboîter les morceaux du récit. Toutefois, il est difficile de faire confiance à Rivages – un narrateur non fiable aux propos parfois démesurés ou contradictoires. Il est d’autant plus difficile d’accorder de la crédibilité à cette instance narrative dont l’identité s’efface constamment dans le récit des autres.
Il faut en somme être un·e lecteur·ice aguerri·e pour réussir à lier les différents fragments entre eux. En effet, ce récit en patchwork regorge entre autres d’anecdotes, d’informations biographiques, d’index, de listes et de formules mathématiques. Il est donc nécessaire d’avoir une certaine compétence en lecture pour dénouer cette immense quantité d’informations. Les références renvoyant à George Orwell, Prométhée, Hannah Arendt, Einstein, Wes Anderson, pour n’en nommer que quelques-un·e·s, incitent les lecteur·ice·s à lever la tête et à effectuer des recherches pour bien saisir l’effet de la lecture escompté par l’auteur. Bref, il est impossible de ne pas se sentir érudit·e après avoir passé des heures à dérouler notre fil d’Ariane pour finalement retrouver notre chemin dans ce labyrinthe d’histoires morcelées.
Le rythme rapide du récit, la démystification du vrai et du faux, la reconstruction du casse-tête par l’assemblage des bribes d’information et le sentiment d’une Amérique où tout est possible en fait une œuvre tout simplement brillante.
Plamondon, Éric, 1984 : Hongrie-Hollywood Express / Mayonnaise / Pomme S, Montréal, Le Quartanier, coll. « Écho », 2022, 591p.
Source de l’image : Mégane Therrien
Source de l’image de couverture : Le Quartanier