Yves Beauchemin nous plonge directement dans la vie de Romain Bellerose dès le début de son nouveau roman Une nuit de tempête, publié chez Québec Amérique. Le récit commence dans le feu de l’action alors que le médecin urgentiste est en plein quart de travail, nous rappelant du même coup la frénésie d’une salle d’urgence lors des tempêtes hivernales.
C’est justement cette tempête de neige atroce qui fait en sorte que les chemins de Romain et de Philippe se croiseront. À la suite d’un accident bête, Philippe se retrouve dans la salle d’attente de l’hôpital où Romain le soignera, troublé par la ressemblance du jeune patient avec son frère, décédé à l’adolescence.
Bien que la tempête météorologique se termine, nous sentons qu’une petite tempête fait rage au sein du roman. Éclatera-t-elle ? C’est ce qu’on se demande tout au long de notre lecture. Une impression d’ambiance lugubre reste en plan alors que Romain et Philippe tissent des liens et que leurs histoires évoluent en parallèle.
La fugue de Philippe, qui s’évade de sa vie familiale étouffante, nous permet de rencontrer de nombreux personnages, qui sont d’ailleurs très bien développés. Ils apparaissent dans son quotidien alors que Philippe se trouve un emploi, un logement et développe des sentiments amoureux. Évoluant entre une belle-mère désaxée, un homme à tout faire malhonnête et un ex-colocataire dérangé, Philippe garde toujours en tête ses grands plans de voyage et continue son petit bout de chemin nonchalamment. Le jeune homme est dur à saisir, on se demande sans cesse ce qu’il a derrière la tête, s’il est aussi innocent qu’il prétend l’être. Ces questionnements ne trouvent pas nécessairement leur réponse. Par exemple, nous ne comprendrons jamais réellement pourquoi Philippe semble avoir un rapport étrange à l’autorité et aux formules de politesse. En effet, malgré son jeune âge, le personnage exulte lorsqu’on le vouvoie et tique lorsqu’un inconnu le tutoie, et ce, tout au long du récit. Toutefois, au moment où il développe un lien de proximité, il se sent plus apprécié si son interlocuteur le tutoie. Par ailleurs, dès le début du roman, l’auteur met en lumière la ressemblance frappante entre Philippe et le frère de Romain. Or, cette ressemblance ne semble rien changer à l’histoire, outre peut-être quelques passe-droits de la part du médecin. Ces détails m’ont laissée un peu perplexe. J’ai eu l’impression d’avoir manqué le bateau, d’être passée à côté d’un élément clé qui m’aurait permis de mieux comprendre l’intrigue.
Bref, je ne crois pas être le public cible pour la lecture de cette œuvre. Peut-être l’aurais-je été si j’avais auparavant lu un autre livre d’Yves Beauchemin. J’ai tout de même apprécié de voir que parfois, il suffit d’être à la bonne place au bon moment pour que le fil de notre vie se transforme complètement.
Beauchemin, Yves, Une nuit de tempête, Montréal, Québec Amérique, coll. « Littérature d’Amérique », 2023, 304p.