L’optométriste le confirme : Odette a une méduse dans l’œil gauche. Même si ça l’incommode démange, ça ne l’empêche pas de continuer son petit train-train quotidien : faire l’épicerie, déneiger l’entrée négligée par son voisin, travailler dans les rayons de la librairie – une série de tâches qu’elle répète jour après jour. La méduse – au départ embêtante, mais bien inoffensive – viendra troubler sa vie bien remplie. Petit à petit, Odette n’a d’autre choix que d’apporter des changements à sa routine pour s’adapter à l’apparition des méduses, qui se multiplient dans son champ de vision. De plus en plus nombreuses, celles-ci finissent par la plonger dans un noir complet. Par chance, ses ami·e·s et sa nouvelle conquête rencontrée à la librairie, Naina, la soutiennent tant bien que mal dans ce moment difficile.
L’œuvre de Boum illustre avec douceur les diverses conséquences qui suivent l’annonce d’un diagnostic irréversible. Ayant elle-même connu des problèmes visuels, l’autrice a su manier ce thème en faisant preuve d’une grande sensibilité. Elle fait ainsi découvrir aux lecteur·ice·s les répercussions d’une maladie méconnue qui cause progressivement la cécité.
La bande dessinée témoigne de la douleur que cause la perte de repères. En effet, Odette voit sa vie entière être bouleversée par les méduses qui la plongent lentement dans l’obscurité. Il est facile de s’attacher à la protagoniste et d’éprouver de la sympathie pour elle. Même si elle refuse catégoriquement de perdre son indépendance, ce qui va à l’encontre de son propre intérêt, et qu’elle perd son sang-froid, il est difficile de lui en vouloir. Qui n’en voudrait pas au monde entier alors qu’iel voit disparaitre progressivement tout ce qu’iel connait ?
Odette se sent impuissante devant ce terrible destin : cela l’amène à cacher aux autres tout ce qui la rend vulnérable. Heureusement, malgré son caractère, elle peut compter sur ses proches pour la soutenir. Son récit démontre l’importance de prendre appui sur les siens lorsque les ténèbres nous guettent. Leur soutien est une source de réconfort qui favorise indubitablement la résilience.
Les illustrations de La méduse entrainent graduellement les lecteur·ice·s dans la noirceur, comme si iels étaient elleux-mêmes étouffé·e·s par le désespoir de la perte de la vue et le deuil qu’elle engendre.
Boum, La méduse, Montréal, Pow Pow, 2022, 216p.