Publié par les éditions de l’Hexagone en 2017, La vie en apnée est le tout premier recueil de poésie de Philippe Labarre, professeur de français au Collège Ahuntsic. L’auteur a pris comme résolution d’écrire, durant un long voyage, trois poèmes par semaine, dont 150 poèmes ont finalement été sélectionnés. Dans son œuvre, Philippe Labarre montre la chute d’un homme nostalgique de son ancien amour, dont le deuil s’avère éprouvant à vivre. Son recueil présente une descente en apnée qui s’exprime grâce au déferlement des poèmes qui s’enchainent et captivent le lecteur.
La vie en apnée se déploie en différentes phases qui sont illustrées par chacun des chapitres de l’œuvre. « Rivages » présente les souvenirs d’un amour intense, mais voué à l’échec, à la mort et à la disparition. Ensuite, le lecteur ou la lectrice suit, à travers le chapitre « Glacis », la déchéance d’un homme. Le poète aborde ici différents thèmes : l’amour, la mort, la dépression, la renaissance. L’envers du décor dans lequel le sujet évolue, mais aussi ses sentiments intérieurs, les dérives de son âme, sont décrits de la même manière dont on décrit les déclinaisons de la nature. Ainsi, on observe les couleurs chaudes qui teintent le cœur des amoureux : le froid qui s’installe entre eux et qui cause l’éloignement qu’ils vivent, le froid et le vent qui emplissent l’âme après la rupture. On observe, par le dégel du cœur, le sujet poétique qui guérit tranquillement.
« C’est un souffle à flanc de falaise.
Ailé de rafales et de vertiges.
C’est une fièvre de fleur hurlée
au creux de roc. Il tient du bout des doigts.
Au fil d’une éraflure »
(p.78)
La poésie de Philippe Labarre s’inspire d’une nature omniprésente qui s’entrelace avec l’amour déchu, le chagrin, la perte. Au plus près de la nature, le lecteur est donc plongé dans une vie en apnée et observe ce que vit le sujet poétique, les épreuves qu’il traverse.

Les poèmes sont rédigés dans un style libre : les vers, rarement égaux, sont à la mesure du désordre amoureux que le sujet vit. Cette coupe à l’hémistiche permet de créer une cassure dans le rythme, qui change constamment entre les strophes : certains mots et certaines émotions sont ainsi soulignés de manière brutale, s’éloignant de ce fait de la poésie classique dont les rimes, qui sont généralement ponctuelles, créent une douce mélodie.
« Tendresse. Pulsation
du silence. Battements
sourds de vies qui reprennent
Secousses. Neiges
mouillées par les rosées
intimes du tout premier baiser. »
(p.20)
La chute, présente dès le début du recueil, pose une question inévitable : jusqu’où cette descente presqu’infernale peut-elle aller ? Que peut-il y avoir après la déchéance ? Le poète nous fait découvrir que la chute est en fait prometteuse d’une lente remontée à la surface. Remontée qui se fait sentir dans ce déplacement du thème du gouffre de l’océan vers la terre et le ciel et dans l’insertion, vers la fin du recueil, de termes reliés au soleil, à la lumière, au dégel. Teintée de sentiments sombres, l’œuvre transmet bien la peine que peut provoquer le deuil amoureux. Surtout, elle est un gage d’espoir : l’orage finit toujours par se dissiper.
Philippe Labarre, La vie en apnée, Montréal, Les Éditions de l’Hexagone, 2017, 119 p.
Article par Marie-Andrée Labonté-Dupuis.