Présenté officiellement au TIFF en y décochant une Mention Spéciale, Viking est le quatrième long-métrage du cinéaste, monteur et musicien Stéphane Lafleur (Tu dors Nicole). Il nous présente ici un scénario assez ambitieux : un groupe de cinq individus est sélectionné à la suite d’entrevues afin de reproduire sur terre une équipe d’astronautes en mission sur la planète Mars. Ce groupe de cinq alter ego a pour but de prévenir et consolider des situations problématiques qui surviennent à l’équipe sur Mars. On y suit David (Steve Laplante), un homme ordinaire qui rêve du cosmos et de l’idée de faire une différence.
L’improbabilité du synopsis laisse déjà transparaitre le caractère loufoque et absurde du film. Et cette première impression ne trompe pas. Fidèle à lui-même, Lafleur teinte son récit et ses dialogues d’un humour subtil, décalé et pince-sans-rire. À mi-chemin entre le drame, la comédie et la science-fiction, Viking propose une esthétique qui combine un onirisme et une poésie visuelle puissante. En effet, la mise en scène est atmosphérique et les dialogues laissent place à des situations parfois malaisantes. La musique d’Organ Mood (collaboration fréquente du cinéaste), appuie d’ailleurs judicieusement ce ton si particulier.
À la différence de ses autres réalisations, Lafleur présente dans Viking un rythme soutenu d’intrigues. Ainsi, la lenteur qui caractérisait grandement ces trois longs-métrages précédents ne peut véritablement être associée à ce dernier film considérant que les péripéties (quoique légères et absurdes) s’enchainent. À mon avis, ce changement de rythme est notamment attribuable à la co-écriture, exercice auquel Stéphane Lafleur s’est soumis pour une première fois. Il a fait le choix de s’allier à Éric K. Boulianne, un habitué de la co-scénarisation (Menteur, 2019 et De père en flic 2, 2017 par Émile Gaudreault).
Bien que l’esthétique unique de Lafleur soit manifeste, la co-écriture semble avoir ouvert la porte à plus de rebondissements. C’est pourquoi Viking est sans l’ombre d’un doute le film le plus accessible du réalisateur. Cela étant dit, le long-métrage est rempli de finesse : il vous fait rire et réfléchir. Bref, tout ce dont on attend d’un bon film. Mention spéciale à l’audace et à la fine exécution des scènes fantaisistes où le personnage principal imagine un astronaute, ou encore, la planète Mars, des scènes qui enrichissent le caractère onirique de l’œuvre.
Il est possible de percevoir à travers l’aspect invraisemblable du récit une certaine critique ou, du moins, un commentaire à l’endroit de la course à l’espace. Peut-être un témoignage de fascination, d’espoir, mais également d’absurdité face aux individus qui aspirent à conquérir l’univers ? Viking se clôt de manière douce et amère : on nous dit que c’est beau de réaliser ses rêves. On nous dit également qu’on a le droit de se tromper. On nous dit surtout qu’il faut l’essayer pour le savoir.
Judith Mc Murray