Aline est une jeune adulte coincée dans la vie étudiante. Elle multiplie les emplois éphémères et peu lucratifs, voire aliénants. À la suite d’une rupture et d’un drame familial, elle retrouve une amie de longue date qu’elle avait perdue de vue. Celle-ci lui parle alors d’une famille fortunée assez unique en son genre sur laquelle elle a fait un reportage : les Von Westmount. Aline saute sur l’occasion et leur propose ses services comme gardienne, bien qu’elle n’affectionne pas particulièrement les enfants. La protagoniste devient alors en quelque sorte un membre de cette famille intrigante et doit ainsi faire l’ascension de la montagne tous les jours vers leur résidence, qui surplombe la ville.
Le personnage excentrique d’Aline attire les lecteur·rice·s dans un récit étrange, qui est le reflet d’une vie à la fois banale et mondaine. La protagoniste a un sacré caractère, ce qui la met parfois dans des situations gênantes. En décidant de laisser derrière elle sa vie chaotique, Aline se laisse absorber par ce monde hautain de la classe supérieure. L’histoire déboule au rythme des décisions de la protagoniste, ce qui se solde parfois par de gros sauts dans le temps. La vie d’Aline est donc présentée en surface, ce qui la rend encore plus énigmatique.
Dans son œuvre Von Westmount, Jules Clara fait bien plus que raconter l’histoire d’Aline. Elle dissimule dans son récit une représentation des rapports de pouvoir en société. En proposant un mélange d’endroits et de langues, l’autrice illustre avec subtilité l’organisation sociale de la ville de Montréal. Cette hiérarchie se perçoit dans plusieurs caractéristiques qui composent l’œuvre. D’une part, il y a une opposition entre le statut social d’Aline – et sa famille – et celui des Von Westmount. Cette disparité économique met en évidence l’écart entre les pauvres et les riches et tout ce que cela engendre. D’autre part, en faisant le portrait de la ville de Montréal, l’autrice dépeint les tensions entre les différents groupes sociaux. Il y a d’un côté les francophones, de l’autre les anglophones. Ces derniers habitent d’ailleurs le quartier de Westmount, localisé en hauteur, ce qui laisse présager leur supériorité dans un rapport de force inégal. Les langues se superposent d’ailleurs dans le roman, l’anglais y prenant une place importante. Il est donc nécessaire que les lecteur·rice·s qui plongent dans cette histoire maitrisent bien la langue de Shakespeare, d’autant plus qu’un chapitre complet est rédigé en anglais. Bref, Jules Clara critique d’un ton satirique l’organisation des classes sociales dans un récit tempétueux.
Clara, Jules, Von Westmount, Montréal, La Mèche, 2022, 228 p.