Vous êtes ici est la suite de Nous sommes ici, un projet de LA SERRE qui propose une plateforme d’essai pour les nouveaux artistes récemment diplômés présenté Aux Écuries du 29 septembre au 1er octobre 2016. Cette année, c’est le Vous qui domine et qui se fait ressentir dans le rapport qu’entretient le public avec lui-même.
Huit courtes pièces/chorégraphies/performances sont présentées dans quatre lieux différents des Écuries par des finissants en danse et théâtre qui, durant une semaine, sont accueillis en résidence pour préparer une représentation. Chaque courte forme est d’une durée de 10 minutes. C’est un parcours où les spectateurs sont amenés à se déplacer dans le théâtre pour voir chacun de ces petits bijoux.
Il existe quelque chose dans ce Vous de palpable dans toutes les propositions: le rôle du spectateur actif, passif, contemplatif et expressif. On nous demande de nous asseoir par terre, en cercle, sur des chaises, à gauche, à droite et où on veut. On est placé devant des miroirs, devant nous-mêmes, devant les autres, devant les performeurs qui deviennent nous, qui deviennent les autres. Il ne s’agit pas là nécessairement d’une confrontation, mais d’une sorte de travail organique du spectacle. Nous faisons partie intégrante de la performance. Nous sommes et devenons moteurs de la performance. Cette réflexion double de celui qui observe et est observé devient un fil conducteur puissant du parcours. Il y a là ce désir de connexion avec l’autre. Le travail Kink, de Pascale St-Onge et Frédéric Sasseville-Painchaud, propose de dialoguer avec le spectateur sur ses propres pratiques sexuelles, alors que le travail des finissants en Jeu de l’École Supérieure de Théâtre de l’UQAM se sert des spectateurs comme d’une forêt dans laquelle les acteurs se promènent. De nouveaux artistes qui cherchent le regard de l’autre. Où est chacun d’entre nous au moment de la représentation? Oui, nous étions bel et bien dans la salle, mais étions-nous vraiment là? Étions-nous dans l’instant présent?
Ce rapport à la notion de présent est fondamental dans toutes les propositions. Toutes les représentations établissent une sorte de routine, de démarche en lenteur au début. On croirait qu’avec seulement dix minutes, tout nous serait lancé, voire garroché. Bien au contraire, les artistes prennent le temps d’installer et de déconnecter le spectateur, ce qui le rend complètement obnubilé d’abord et surtout attentif ensuite. Parfois, cette impression de vertige est fondée sur l’abondance et la surexposition sonores. Des propositions bien connues de certains artistes comme Angela Konrad, dans sa dernière mise en scène Le Royaume des Animaux, utilisent cette méthode : les transitions du début sont accompagnées de bruits très agressants forçant l’immersion dans l’expérience. Une sorte de grincement, grichage de télé sans antenne qui râpe les tympans comme des ongles sur un tableau. D’autres fois, cette sorte d’enivrement est créé par la douceur et subtile détente attentive du spectateur.
Métacarpe propose aux spectateurs, à leur entrée dans la salle, trois aquariums illuminés avec des poissons, dans lesquels dansent des personnages projetés à l’intérieur. Sur une douce musique, les spectateurs observent ces petits personnages danser dans l’eau pendant presque la moitié de la courte forme. Le résultat est complètement absorbant et fascinant, ce qui a pour effet de créer un univers envoûtant. Après plusieurs minutes, les spectateurs se retournent, et, derrière eux, une très grosse chaise présente une artiste se mouvant délicatement, comme sur une scène privée. Sous la chaise, plusieurs petits micros qui captent les bruits faits du contact de la danseuse avec l’objet géant, les moindres frottements étant retransmis en direct. Une finesse et délicatesse de ses gestes se traduit par les sons.
Dans les deux cas, il existe un besoin pour les nouveaux créateurs de fournir un espace de transition entre la vie réelle et la représentation. Il serait facile de faire des parallèles avec cette idée d’une génération qui ne sait plus comment se “déconnecter”. Sans tomber dans les généralisations abusives, disons seulement que ce besoin de dilater l’espace et l’esprit du spectateur est drôlement nécessaire dans toutes les représentations.
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Vous êtes ici avait lieu du 29 septembre au 1er octobre 2016 au Théâtre Aux Écuries.
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Article par Marilyne Lamontagne.