Claire Legendre est une autrice française expatriée au Québec. En enseignement depuis plus de quinze ans, elle donne un cours de création littéraire à l’Université de Montréal depuis 2011. Ses recherches se sont majoritairement centrées sur la dramaturgie. À mon sens, cela se ressent dans sa nouvelle œuvre Ce désir me point, où elle semble mettre en scène son propre désir. Paru chez Leméac le 7 février dernier, le livre de Claire Legendre rejoint sa douzaine de créations précédentes qui, chacune à leur façon, effleurent l’autofiction. L’autrice se distingue en explorant de manière intime des sujets provocateurs.
La psychologie est aussi un thème récurrent dans l’œuvre de Claire Legendre. Dans cette nouvelle parution, c’est sous forme d’introspection que l’autrice analyse le désir, son désir. En effet, la protagoniste, dont la vie semble inspirée de celle de l’écrivaine, examine ses désirs à différentes étapes de son existence. Elle s’attarde surtout sur ses envies lors d’une période prolongée de célibat.
L’ouvrage est séparée en cinq parties qui se concentrent sur un aspect différent du désir. D’abord, sous « Tu désires un amour », la protagoniste se questionne sur la solitude. Elle vit un célibat involontaire depuis déjà une décennie, entretient des désirs sans jamais les combler. Dans l’œuvre, le célibat est vécu comme une humiliation. L’autrice illustre que les femmes sont inlassablement considérées les seules responsables de cette condition : ELLES ne veulent pas s’engager, LEURS attentes sont trop élevées. Claire Legendre soulève ainsi les doubles standards associés au célibat. Cette réflexion sur l’absence d’un partenaire affectif mène la protagoniste à conclure qu’il s’agit d’une source d’anxiété nourrie par la crainte de déplaire. Bref, cette première partie sert à poser le ton de l’œuvre.
Les parties suivantes, « Tu désires posséder » et « Tu désires qu’on te désire », poursuivent dans la même ligne de pensée. L’autrice établit une corrélation entre l’amour et la consommation. Alors que dans la partie précédente les sites de rencontre transformaient les femmes en consommatrices, dans la deuxième partie, celles-ci consomment pour plaire. La troisième partie porte sur le désir de plaire, qui surpasse celui du besoin d’être satisfait. La quatrième partie, « Tu désires le pire », met le doigt sur ce qui accentue le désir : l’interdit. Lorsqu’un obstacle empêche d’accéder au fantasme, celui-ci est nécessairement accru puisqu’il est alors quasiment impossible de ne pas y penser. Il devient alors une obsession.
Alors qu’elle n’attend plus rien de l’amour, Claire rencontre un homme qui lui plait. C’est sur cette relation que se concentre la partie finale « Et maintenant que désires-tu ? », empreinte de remises en question par rapport à l’amour.
En somme, Claire Legendre nous permet, avec Ce désir me point, de voyager dans son for intérieur et parmi ses réflexions les plus intimes. Loin de la fiction, elle écrit son propre récit du désir. Une écriture qui, pour elle, sert à remplir le vide. Nous traversons ainsi par petits fragments le fil de son désir à travers le temps.
Legendre, Claire, Ce désir me point, Montréal, Leméac, 2024, 160 p.