Après son franc succès Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c’était par amour ok, Michelle Lapierre-Dallaire publie cette année son deuxième livre aux éditions La Mèche. Encore une fois, l’autrice nous fait tomber des décontenance complètement avec sa plume franche, voire troublante. Je vous demande de fermer les yeux et d’imaginer un endroit calme nous ouvre la porte vers une seconde œuvre très intime, une ode pour une mère idolâtrée, désirée, vénérée.
Michelle Lapierre-Dallaire se met à nu dans cette deuxième autofiction. Les lecteur·ice·s se retrouvent malgré elleux dans une position de voyeur·euse·s, une position parfois inconfortable, parfois malaisante et souvent troublante. Nous sommes transporté·e·s à travers un récit personnel qui nous fait revivre un passé douloureux aux côtés de l’autrice. Celle-ci nous donne accès à ses pensées les plus personnelles, ce qui donne l’impression d’avoir mis la main sur un journal intime. Ce que nous révèle Michelle Lapierre-Dallaire est bouleversant, voire dérangeant. C’est avec un certain malaise que nous scrutons la relation malsaine qu’entretiennent l’autrice et sa mère, que nous prenons conscience des nombreux abus qui ont eu lieu dans le silence. Un certain trouble nous traverse également alors que l’autrice étale l’amour maladroit qu’elle entretient pour sa mère; une volonté de plaire et un désir d’exister qui entrainent des fantasmes immoraux. Sa mère semble si indifférente que dès que Michelle perçoit une once d’attention, il est pour elle impensable et même insupportable de ne pas s’en délecter.
Au fil des pages, nous avons la sensation de transgresser les frontières de l’intime. Des nombreux traumatismes découlent la perversion et l’excès. L’autodestruction est la seule source de réconfort de Michelle, qui semble pallier les manques à l’aide de l’automutilation et de la masturbation. Dès la tendre enfance, Michelle ne peut compter que sur elle-même. Nous sommes témoins de la parentification – soit l’inversion des rôles entre le parent et l’enfant – qui s’impose, des agressions sexuelles à répétition, d’une négligence sans fin. Nous sommes catapulté·e·s entre divers événements, plus bouleversants les uns que les autres. Pourtant, il semble impossible d’abandonner cette lecture, impossible de ne pas savoir comment cette petite fille molestée, cette adolescente désabusée, cette jeune femme brisée a su en réchapper. Malgré l’amour incommensurable qui transparaît dans le récit, il est très difficile d’éprouver de l’empathie pour cette mère qui n’a pas su assumer ses responsabilités. Nous ne voulons que prendre la place de cette mère indifférente et absente afin de protéger la petite de ses propres démons et de ceux du monde extérieur.
Dans ce deuxième récit autofictionnel, Michelle Lapierre-Dallaire nous révèle tout de son amour profond et viscéral pour sa mère. Elle couche sur papier un passé poignant. Même en sachant qu’il est inévitable que certains pans de sa vie soient jugés, incompris, elle ne laisse rien de côté. Néanmoins, l’œuvre contient divers propos implicites dont seules les descriptions imagées suffisent à la compréhension. Entre les non-dits graphiques, les confessions et les confidences, impossible de ne pas terminer cette lecture sans avoir été complètement déstabilisé·e.
Lapierre-Dallaire, Michelle, Je vous demande de fermer les yeux et d’imaginer un endroit calme, Montréal, La Mèche, 2024, 210 p.