En mai dernier, l’œuvre Ceci n’est pas un jardin de la primo-romancière Camille Garant-Aubry paraissait chez la Mèche dans la collection « Les doigts ont soif ». Celle-ci propose des livres hybrides dans lesquels les textes dialoguent avec les images. Dans le cas présent, le texte est surtout présent sous forme de fragments. Des listes et des images se joignent effectivement à lui, mais c’est surtout le jeu métaphorique de l’autrice qui attire notre attention. Nous entrons dès les premières pages dans un jardin secret. Nous sommes confronté·e·s à des pensées invasives, voire des idées suicidaires. La Mèche suggère dès lors des ressources aux lecteur·rice·s qui pourraient ressentir le besoin d’aller chercher de l’aide.
Ceci n’est pas un jardin est le récit d’une jeune femme qui se retrouve sous l’emprise d’une présence végétale. Malgré les nombreux efforts déployés pour s’en débarrasser, la plante envahissante – la salicaire commune – trouve toujours un moyen de se faufiler dans la vie de la protagoniste. N’étant au départ que des semences mystérieuses reçues par la poste, le végétal s’empare tranquillement de l’appartement. Il pousse dans le noir, à l’abri des regards, puis s’infiltre à l’intérieur des murs, entre les lattes du plancher, sous l’évier. Même en l’arrachant dès son apparition, il est impossible de le faire disparaitre complètement. Il ne reste plus qu’une solution : tout faire pour contrôler la pousse et la cacher pour que personne ne s’en aperçoive. Toutefois, tout dissimuler demande beaucoup d’efforts, trop d’efforts pour quelqu’un qui lutte déjà constamment contre une présence importune.
Alors qu’elle s’immisce sournoisement dans la vie de la jeune femme, nous prenons conscience que la plante n’en est peut-être pas réellement une J. Au fil des révélations et des discussions, nous comprenons qu’il s’agit plutôt d’une représentation de la dépression. Nous percevons à quel point ce trouble de santé mentale est insidieux, s’immisce dans les moindres parcelles de la vie. Il devient rapidement incontrôlable. Après diverses tentatives pour le faire disparaitre par elle-même, la jeune femme s’informe sur un forum d’entraide, puis consulte une psychologue. Tranquillement, elle accepte d’accueillir l’aide dont elle a besoin pour gérer son jardin. Après tout, le meilleur moyen de vaincre l’ennemi est d’y faire face.
L’autrice sort des sentiers battus pour aborder le thème de la dépression. Elle entremêle habilement la prose, le dialogue et la poésie pour représenter les symptômes accablants de ce trouble envahissant. Bref, Ceci n’est pas un jardin est une œuvre métaphorique incroyable qui nous permet d’explorer la dépression sous un nouvel angle. C’est une première œuvre impressionnante et j’espère avoir la chance de lire la plume de Camille Garant-Aubry à nouveau.
Garant-Aubry, Camille, Ceci n’est pas un jardin, Montréal, La Mèche, coll. « Les doigts ont soif », 144 p.