Avec un titre aussi sombre qu’Ornithologie, la nuit, il aurait été facile de croire que pour son quatrième album, Philippe B veuille nous entraîner sur des sentiers peuplés de personnages étranges et inquiétants. Pourtant il n’en est rien. Sans laisser tomber sa plume d’amoureux tourmenté, l’auteur-compositeur-interprète, qui est nominé à la GAMIQ dans la catégorie d’album folk ainsi que pour la chanson de l’année, propose des mélodies empreintes d’une certaine candeur, sans jamais toutefois tomber dans les bons sentiments. Le spleen est soudainement teinté d’un peu de lumière. Ça réchauffe et ça fait du bien.

L’opus s’ouvre avec une pièce typique de l’auteur, une balade écourtée portée par une guitare acoustique délicate et sobre, agrémentée d’harmonies vocales angéliques. Pour un instant, l’auditeur est en terrain connu et confortable. C’est à la deuxième offrande que le compositeur surprend. Ornithologie I, avec sa ligne de piano comme base mélodique, mélange les cartes et laisse présager une facture sonore insoupçonnée. Le guitariste émérite (de Pierre Lapointe, entre autres) aurait-il un nouvel amour «illégitime»?
Biscuit chinois, troisième titre de l’album, confirme les soupçons naissants quant à l’infidélité de l’artiste envers son instrument de prédilection. Superbe balade soutenue par des notes pianotées doucement, elle nous convainc de la polyvalence du chanteur quant à la manière de proposer des mélodies subtiles et accrocheuses. Peu importe le moyen de transport (guitare ou piano), les chansons de Philippe B prennent leur erre d’aller et se rendent à destination avec succès.
Calorifère, nominé pour la chanson de l’année à la GAMIQ et quatrième extrait, est peut-être la pièce de résistance. La guitare de retour, la pièce se démarque dès la première écoute par son irrésistible refrain joyeusement triste, épaulé par ce piano qui persiste et signe. Les paroles, toujours éloquentes, sont assez simples pour émouvoir mais pas assez pour sombrer dans la banalité. Évidemment, la comparaison avec le patriarche Desjardins, Richard de son prénom, est difficilement contournable, puisque les deux ont ce don pour cette poésie à la fois grandiose et populaire.
Alors que Le sommeil des oiseaux se présente comme un agréable interlude, au piano encore. Nous irons jusqu’au soleil nous ramène aux racines folk face auxquelles Philippe B ne tourne jamais le dos bien longtemps. Les pièces de l’album se succèdent ainsi, s’emboîtant parfaitement les unes dans les autres, pour former un tableau à travers lequel les quatre saisons sont dépeintes.
Malgré ses airs d’intellectuels à lunettes, l’artiste est aussi capable d’insérer une bonne dose d’humour à travers ses rimes, comme en témoigne ce délicieux clin d’œil au vieux succès de Johanne Blouin, Dors Caroline, à la fin de la chanson Alice. Comme quoi le ridicule ne tue pas celui qui sait bien s’y prendre.
Ornithologie, la nuit se réclame peut-être du crépuscule, de ce moment où les âmes sages s’endorment alors que les plus folles s’activent, mais au final, l’album est résolument plus ensoleillé que sombre.

Encore une fois, le beau, le grand, surtout le très naturel talent de composition est au rendez-vous. Avec plus de piano cette fois comme matériau de fondation de plusieurs chansons, mais toujours cette même astuce pour les progressions d’accords qui marquent, Philippe B ne surprendra certainement pas les fans déjà convaincus avec ce disque, mais en séduira possiblement plusieurs autres. Sans broncher, il offre un album à la hauteur de son talent.
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La GAMIQ tient sa neuvième remise de prix le 30 novembre prochain au Théâtre Plaza à Montréal.
L’album Ornithologie, la nuit de Philippe B est disponible ici depuis le 22 avril 2014.
Article par Gabriel Parent Jutras.